Sa volonté de transmettre son savoir-faire aux jeunes générations reste intacte autant que sa conviction de la nécessité de «perpétuer une discipline artistique si représentative du talent créatif algérien». Il n'est pas peu fier de figurer parmi la dizaine d'artisans algériens honorés le 9 novembre dernier par la présidence de la République à l'occasion de la «Journée nationale de l'artisanat». Cette reconnaissance, obtenue sur proposition de la Chambre de l'artisanat et des métiers (CAM) de la wilaya de Skikda, est venue récompenser un parcours qui se confond souvent avec celui de l'histoire de la céramique dans l'Algérie postindépendance. C'est, en effet, avec le recouvrement de la souveraineté nationale que débuta pour Rachid Brioua, au Centre des enfants de chouhada Lazri-Amar de Ben Aknoun (Alger), une longue histoire d'amour avec la céramique. Pensionnaire de cet établissement rendu célèbre par le film Une si jeune paix de Jacques Charby, Rachid Brioua est placé en formation au Centre polyvalent de Kouba (Alger) où il opta sans hésiter pour la céramique qui deviendra plus tard le métier de sa vie, lui permettant de «tatouer» des centaines de murs en Algérie, notamment à Constantine. Après une formation au cours de laquelle il côtoya les plus grands maîtres de l'époque en la matière, à l'instar de Mohamed Temmam, Boumehdi, Hamimoumna et autres, il prendra à son tour le relais dans la formation avant d'être versé dans la production. Il sera nommé directeur du centre de l'artisanat d'El Maleh (ex-Rio Salado), puis de celui de Guendouz, en Kabylie, avant de rejoindre l'unité de production de faïence d'El Achour pour se stabiliser enfin à l'usine d'Ibn Ziad (Rofak) dans la wilaya de Constantine. C'est cette usine, aujourd'hui fermée, qui fut sa véritable rampe de lancement et la base à partir de laquelle il put agir sur tout l'est du pays et même la capitale, Alger. En sa qualité de responsable de l'atelier artistique à Ibn Ziad qui fut la première usine d'Algérie à produire de la faïence décorée, Rachid Brioua bénéficia d'un stage de perfectionnement à Milan (Italie) où, en plus d'approfondir ses connaissances en céramique, il apprit la sérigraphie qu'il fut le premier à introduire en Algérie. Les services de l'unité de Rofak étaient, pendant la décennie 80, sollicités de partout dans l'est du pays et même à l'échelle nationale, permettant ainsi à son chef d'atelier artistique d'habiller de fresques à thèmes ou de tableaux d'enluminures mauresques, une multitude de murs, notamment à Constantine et sa région. Bon nombre de ses tableaux, souvent non signés comme le veut la tradition de l'époque, se retrouvent ainsi disséminés un peu partout, sur les places publiques, grandes avenues, frontons d'édifices, hôtels, mosquées, cimetières de chouhada, villages socialistes, villas de particuliers, établissements pédagogiques et bien d'autres endroits. L'âge et les contraintes logistiques n'ont pas eu raison de l'artiste. Officiellement à la retraite depuis plus d'une dizaine d'années, Rachid Brioua n'a pas pour autant cessé de produire et de décorer murs et places publics un peu partout dans l'est du pays comme en témoigne la fresque qu'il a réalisée en 2007 pour le 50e anniversaire d'une des plus grandes batailles de la Révolution, la bataille de Zeggar qui eut lieu le 11 mai 1957 près de Collo, région d'origine de l'artiste. La récompense du 9 novembre dernier est un geste qui a mis beaucoup de baume au coeur de l'artiste qui y a vu une manière de reconnaissance à son dévouement et surtout sa ténacité et sa persévérance au service d'une filière où les conditions de travail sont, selon lui, «loin d'être encourageantes». Mais sa volonté de transmettre son savoir-faire aux jeunes générations reste intacte autant que sa conviction de la nécessité de «perpétuer une discipline artistique si représentative du talent créatif algérien».