Les Ivoiriens n'en finissent pas de reporter leur élection présidentielle depuis 2005, les deux principaux clans demeurant profondément divisés. Aujourd'hui, les Ivoiriens ne choisiront pas leur président. Pas plus qu'en 2005, 2006, janvier, juin et novembre 2008. Un sixième rendez-vous manqué qui maintient la Côte d'Ivoire dans l'incertitude et la crise, malgré les progrès accomplis. Le chef de l'Etat Laurent Gbagbo fin octobre, puis la Commission électorale indépendante (CEI) en novembre, ont dû admettre ce qui était devenu au fil des mois probable, puis évident: l'élection présidentielle ne pourrait avoir lieu à la date prévue du 29 novembre. Depuis la fin du mandat de Gbagbo en 2005, la Côte d'Ivoire est donc abonnée aux reports. Or, c'est la sortie de crise qui est en jeu: émerger des affres nées en 2002 du coup d'Etat manqué de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), qui a divisé le pays en un nord FN et un sud loyaliste. A la différence des rendez-vous antérieurs, le 29 novembre paraissait pourtant «réaliste», selon le mot du Premier ministre Guillaume Soro, chef des FN. Mais très vite, entre problèmes officiellement financiers et logistiques, les retards se sont de nouveau accumulés. Le feuilleton de la liste électorale provisoire aura achevé d'enterrer le «chronogramme» (calendrier). Alors que quelque 6,3 millions de personnes avaient été enregistrées lors du crucial recensement clos en juin, il a fallu faire un sort aux «cas litigieux», les personnes dont la nationalité n'est pas avérée en l'absence de leur nom sur les registres administratifs. De quelque 2,7 millions, leur volume a pu être porté à environ 1,033 million, en assouplissant les critères. Et au prix d'importants retards. Selon des sources concordantes, Soro voulait éviter que le processus ne soit entravé par une masse énorme de contentieux et réduire le risque de tensions: la question de la nationalité reste très sensible et chaque camp est prompt à soupçonner l'autre d'avoir fait «enrôler» des étrangers. Dans le calme, la liste provisoire a pu commencer à être affichée dimanche, suivie progressivement du traitement des contentieux. Reste qu'aucune nouvelle date pour le scrutin n'a encore été fixée, au grand dam de la France, des Etats-Unis et de l'ONU, qui pressent Abidjan de s'engager. La CEI doit donner une «période indicative» aux dirigeants ivoiriens qui devraient se retrouver la semaine prochaine à Ouagadougou, autour du président burkinabé Blaise Compaoré et «facilitateur» de l'accord de paix de 2007, indique une source proche de la médiation. Techniquement vraisemblable, l'hypothèse qui revient le plus souvent évoque une élection avant la fin du premier trimestre. Mais «il faut que le contentieux soit bien avancé» pour fixer une nouvelle date, fait valoir un proche de Gbagbo. En tout état de cause, «s'il n'y a pas d'élection d'ici mai, ça voudra dire qu'il y a un obstacle politique», comme il y en eut par le passé, estime un diplomate occidental. Pour de nombreux observateurs, le désarmement des ex-rebelles - apparemment remis pour l'essentiel à l'après élection - pourrait en être un, si le camp présidentiel réaffirme cette exigence in extremis. Dans ce paysage indécis, une certitude toutefois: le scrutin opposera bien le président Gbagbo, l'ex-chef de l'Etat Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, têtes d'affiche de la liste validée par le Conseil constitutionnel. Quelle que soit la date de l'élection, ce sera une première: les Ivoiriens n'ont encore jamais pu départager les trois hommes qui dominent la vie politique du pays depuis la mort en 1993 du «père de la nation», Félix Houphouët-Boigny.