L'élection présidentielle a été reportée le 29 novembre pour la sixième fois depuis la fin du mandat du président Laurent Gbagbo. «Fin février-début mars 2010»: faute d'une nouvelle date précise, la Côte d'Ivoire s'accroche désormais à un créneau pour la tenue de sa cruciale élection présidentielle, mais il lui reste de lourds défis à relever pour honorer enfin ce rendez-vous ajourné depuis 2005. Réunis jeudi à Ouagadougou autour du «facilitateur», le président burkinabé Blaise Compaoré, les principaux leaders ivoiriens ont arrêté cette période pour le scrutin censé clore la crise née en 2002 du coup d'Etat manqué de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), qui a coupé le pays en deux. L'élection a été reportée le 29 novembre pour la sixième fois depuis la fin du mandat du président Laurent Gbagbo. «Maintenant, a aussitôt averti M.Gbagbo, il faut bander les muscles» pour pouvoir tenir ce «chronogramme» (calendrier), accueilli dans l'ensemble avec circonspection. Si beaucoup a été fait depuis le recensement inauguré en septembre 2008, les tâches restantes sont en effet importantes, et font déjà peser des incertitudes. Les étapes précédentes ont à chaque fois pris plus de temps que prévu, officiellement pour raisons «techniques et financières». De l'aveu de la Commission électorale indépendante (CEI), «l'étape la plus délicate» est le règlement des contentieux sur la liste électorale provisoire. Lancée il y a presque deux semaines, cette phase, qui concerne 1,033 million de «cas litigieux» sur quelque 6,4 millions de personnes recensées, doit être conduite en décembre. Devant l'ampleur du travail, M.Gbagbo, le Premier ministre et chef des FN Guillaume Soro, et les opposants Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara ont décidé de faire preuve de souplesse: ils ont renvoyé à l'après-scrutin les corrections d'«erreurs matérielles» (orthographe du patronyme par exemple) sur les cartes d'électeurs. Mais les cas plus complexes, correspondant aux personnes introuvables sur les fichiers administratifs et donc tenues de prouver leur nationalité, soulèvent des questions. Combien pourront être régularisées et intégrées dans la liste définitive, et les autorités clôtureront-elles l'opération à la date prévue? «S'il y a des cas qui n'ont pas été traités dans le contentieux, il faudra arrêter» quand même, assure un proche du président. Mais une source diplomatique occidentale souligne que le traitement lui-même n'a toujours pas atteint sa vitesse de croisière. Surtout, estime-t-elle, les autorités «ne pourront pas se permettre» de laisser sur le bas-côté de nombreux électeurs potentiels au motif que le délai est dépassé, alors que la question des papiers est au coeur de la crise ivoirienne. L'autre grand défi touche à la sécurisation du processus électoral. Elle doit incomber au Centre de commandement intégré (CCI), état-major mixte censé déployer 4000 éléments loyalistes et 4000 FN. Mais faute notamment de moyens suffisants, il n'est pour de nombreux observateurs qu'une «coquille vide». Les dirigeants ivoiriens se tournent donc vers l'extérieur, escomptant une plus grande implication des «Forces impartiales», force française Licorne et Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci). Les «Forces impartiales» pourront appuyer les unités ivoiriennes mais elles ne sécuriseront pas les bureaux de vote «à leur place», prévient cependant une source onusienne. Alors que ces interrogations demeurent, avoir fixé une simple période pour le scrutin n'a pas que des inconvénients, observe un autre diplomate: «une période, on peut la faire glisser. Une date, c'est plus difficile».