Au-delà de la qualification au Mondial, le parcours des Fennecs symbolise la réussite pour les fleurons de l'Algérie. «Eradjel fel khetra lawla iqoulek sellef li ou fe ttania iqoulek serref li», dans la langue de Molière, cela donne à peu près ceci: l'homme te demande une première fois un prêt et la seconde il te demande de lui faire de la monnaie. Cet adage populaire s'applique amplement au «miracle» réalisé par la Sélection nationale durant les éliminatoires jumelées de la Coupe d'Afrique et du Mondial. La qualification des Verts a ressuscité le rêve des jeunes Algériens. Aussi, elle a permis de rendre visible leur attachement viscéral à la nation. Brandissant l'emblème national, ils n'arrêtaient pas de scander: «Les Algériens! Les Algériens!» A leur façon, les fleurons ont présenté l'identité de l'Algérie en vert, blanc et rouge. A ce titre, le message fut très fort: l'unité nationale est sacrée. Cette sacralité se lit dans le regard de Amine M., élève en terminale sciences de la nature, au lycée des Frères Hamia à Kouba, Alger. «Je suis fier de mon identité algérienne. Les Fennecs nous ont montré que la jeunesse de ce pays est capable de réaliser des miracles, pour peu qu'on lui en donne les moyens», s'enthousiasme ce jeune lycéen. Une flamme luit dans ses yeux d'ange. Celle-ci illumine un visage. C'est celui du joueur Matmour. Amine voue une admiration profonde à cet attaquant. «L'amour qu'il porte au pays et ses qualités morales en font un modèle à suivre pour moi», avoue le lycéen. En phase de passer son Bac, Amine assure: «La réussite des Verts m'inspire confiance en mes capacités. Ils m'ont fait découvrir l'Algérie qui gagne.» Son ami Khaled B., 18 ans, esquisse un sourire. Il a quitté l'école depuis des années. Cahin-caha, il a repris du poil de la bête. Actuellement, il travaille comme pâtissier. «Les Verts m'ont appris à me battre jusqu'au bout. A ma sortie de l'école, j'étais abattu, le désespoir me gagnait. Surtout que mes anciens camarades poursuivaient toujours leurs études», se rappelle Khaled. Et ce dernier d'ajouter: «Des joueurs comme Halliche m'ont démontré que je suis capable de réussir ma vie dans mon pays. Sincèrement, je les remercie de m'avoir permis de découvrire l'étendue de l'amour que je porte à mon Algérie.» Son regard est attendri. Il part à la poursuite d'une muse. Cette dernière prend les traits de Mouna K., élève en terminale lettres au lycée Hassiba-Ben Bouali à Kouba. Ses cheveux dansent au rythme de ses rêves. Ainsi, évolue une mélodie enivrante sur la partition de l'espoir. En toute simplicité, Mouna signe cette merveille de musique par un sourire. «Mon coeur a vibré aux prouesses de Antar Yahia», avoue la petite tulipe. Un instant et Mouna replonge dans la fameuse soirée du match Algérie-Egypte au Soudan. «Le but de Antar Yahia m'a libérée. Par la suite, j'ai compris que la persévérance est plus importante que la réussite.» Aussi naïve peut-elle paraître, cette réflexion fait un clin d'oeil à une citation du grand Mouloud Mammeri. Dans son roman La Traversée, ce formidable poète avait écrit: «Il n'est pas nécessaire de réussir pour persévérer.» Profonde, cette méditation apparaît comme le sourire d'une fée sur le visage de Lamia, journaliste. Du haut de ses 25 printemps, Lamia livre «l'eldorado» que les Verts lui ont permis de découvrir. C'est l'éden en vert, blanc et rouge, s'exclame-t-elle. Ses yeux de biche ouvrent une fenêtre sur Le Jardin de Lumières, que son coeur abrite. Des lumières extirpées des ténébreuses années de braise. «Après tous les malheurs dans lesquels nous avons grandi, il était impératif pour nous les jeunes de vivre ces moments de liesse. Cette qualification restera à jamais gravée dans ma mémoire. Elle me rappellera toujours que nous sommes un peuple qui aime la vie.» Ainsi, le «miracle» des Verts a agi sur l'imaginaire de la jeunesse algérienne. Pourtant, au début des éliminatoires, rien ne présageait une telle tournure des événements. Au départ, l'objectif de la bande à Saâdane était de retrouver la compétition africaine après une traversée du désert de six ans. Aujourd'hui, l'exploit des Fennecs permet à la jeunesse algérienne de rêver et de croire en ses capacités de réaliser le rêve.