Le 18 novembre, M. Al Hachemi a rejeté la loi électorale adoptée par le Parlement dix jours plus tôt en exigeant une meilleure représentation des Irakiens vivant à l'étranger. Les sunnites irakiens, encore traumatisés par la perte du pouvoir qu'ils avaient exercé pendant 80 ans, sortent affaiblis par le coup de poker raté du vice-président Tarek al-Hachémi pour obtenir une meilleure représentation de cette communauté, estiment des analystes. «Sa manière d'agir irréfléchie peut se résumer par un proverbe arabe: "en fardant ses yeux avec du khôl pour la rendre plus belle, il l'a rendue aveugle". C'est tout simplement une catastrophe pour les arabes sunnites», assure le politologue irakien Ibrahim Al-Soumaidaï. Le 18 novembre, M.Hachémi a rejeté la loi électorale adoptée par le Parlement dix jours plus tôt en exigeant une meilleure représentation des Irakiens vivant à l'étranger. Il comptait sur ces électeurs pour améliorer la représentation des sunnites en postulant que ce sont surtout des membres de cette communauté qui ont fui après la chute de Saddam Hussein en 2003, puis durant la guerre confessionnelle commencée en 2005. Ce pari hasardeux s'est retourné contre sa communauté. Le Parlement a voté à l'instigation des partis chiites une nouvelle répartition des sièges qui ne prend pas en compte le réel accroissement de la population depuis les dernières élections de 2005 mais fixe arbitrairement une augmentation annuelle de 2,8% pour chaque province. Ce système favorise largement les Kurdes dont la fécondité est plus faible que les chiites et les sunnites. «Les Kurdes sont les seuls à avoir profité de ce veto et ce qui s'est passé est une gifle pour les sunnites et pour l'entente nationale. Ce faux pas aura des conséquences funestes sur le processus politique et l'avenir du pays», prédit M.Soumaidaï. Cette nouvelle version de la loi, qui se traduit par une nette diminution des sièges initialement attribués aux provinces sunnites, est particulièrement malvenue pour cette communauté qui avait largement boycotté les premières législatives de 2005 sous la pression des organisations extrémistes. Pour effacer cette déconvenue, ils s'étaient massivement inscrits cette année sur les listes électorales. «Tarek al-Hachémi a agi plus en représentant des arabes sunnites que comme élu de la nation et il a ainsi largement desservi sa communauté et placé le processus politique dans une position plus périlleuse que durant la vague de terreur», estime Hamid Fadel, professeur de sciences politiques à l'université de Baghdad. Entre 2005 et 2007, «nous pouvions espérer qu'il s'agissait d'une période transitoire mais le veto de Hachémi et la réaction qu'il a suscitée sont une claire indication d'un retour en force du langage confessionnel, ce qui veut dire une remise en cause de l'unité de l'Irak», a-t-il ajouté. Pour parer les accusations de confessionnalisme, M.Hachémi a annoncé qu'il organiserait après l'Aïd Al Adha, une cérémonie pour marier des couples mixtes sunnites et chiites et qu'il leur offrira 1000 dollars. En outre, pour sortir du guêpier, il a annoncé qu'il s'en remettait à la commission électorale. «La balle est dans son camp et je refuse que soit revu à la baisse le nombre de sièges attribués», a-t-il dit jeudi aux journalistes. Il a par ailleurs demandé au vice-président chiite Adel Abdel Mahdi de servir de médiateur pour trouver une solution. Composé du chef de l'Etat, le kurde Jalal Talabani, et des deux vice-présidents, sunnite et chiite, le Conseil présidentiel a le droit de rejeter à deux reprises une loi votée par le Parlement, mais il n'a plus son mot à dire la troisième fois si les trois cinquièmes des députés l'adoptent. Mais les critiques les plus virulentes sont venues du camp sunnite et notamment de son ancienne formation, le Parti islamique, qu'il a quitté en mai. «Il ferait mieux d'avoir le courage de demander pardon aux gouvernorats qui ont perdu des sièges à cause de lui», a assuré Rachid al-Azawi, député du Parti islamique.