Plusieurs messages, dont certains provenant du directeur du CRU Phil Jones, indiqueraient que la communauté scientifique manipule les données sur le climat. Enquête de l'ONU, débat au Congrès américain, mise en garde de l'Arabie Saoudite: l'affaire des courriels piratés d'éminents scientifiques au Royaume-Uni, soudain soupçonnés de manipuler les données sur le climat, prend de l'ampleur à quelques jours du sommet de Copenhague. Au coeur de cette affaire, déjà baptisée «Climategate» par la presse: la publication sur Internet le mois dernier de milliers de courriers électroniques de chercheurs du prestigieux centre de recherches sur le climat (CRU) de l'université britannique d'East Anglia, victime d'un piratage informatique ou de fuites. Or, plusieurs messages, dont certains provenant du directeur du CRU Phil Jones, indiqueraient que la communauté scientifique manipule les données sur le climat pour étayer la thèse d'un réchauffement dû aux activités de l'homme, selon les opposants à cette théorie. Face à la gravité de ces allégations, le président du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (Giec), mandaté par l'ONU, a promis hier de faire toute la lumière. «Nous allons certainement regarder tout ça et ensuite nous adopterons une position», a déclaré à la BBC Rajendra Pachauri. «On ne veut certainement pas fermer les yeux. C'est une question sérieuse et nous allons l'étudier en détail», a ajouté l'économiste indien, prix Nobel de la Paix 2007 avec l'ancien vice-président américain Al Gore. La veille, l'université d'East Anglia avait annoncé l'ouverture d'une enquête indépendante sur le contenu des emails piratés, confiée au très respecté vice-chancelier de l'université de Glasgow, Sir Muir Russell. Phil Jones, le directeur du CRU, a préféré abandonner temporairement son poste le temps de l'enquête. L'un de ses courriels évoquerait une «ruse» pour manipuler les relevés de température afin de «dissimuler une baisse». «Ce sont des âneries», avait rétorqué le directeur de ce centre qui gère l'une des plus importantes bases de données au monde sur l'évolution des températures dans le monde. Selon lui, ses messages ont été sortis de leur contexte. Sans surprise, et sans attendre les résultats de l'enquête, les «climato-sceptiques» de plusieurs pays se sont emparés de l'affaire pour mettre en doute la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, un débat qui sera au coeur du sommet de Copenhague à partir de lundi. Aux Etats-Unis, plusieurs élus du Congrès y voient l'occasion d'essayer de torpiller l'adoption au Sénat d'une loi pour combattre le réchauffement. Au Royaume-Uni, des responsables de l'opposition conservatrice en ont profité pour émettre des doutes sur la fiabilité des chiffres sur le réchauffement. L'un des responsables saoudiens chargés des négociations sur le réchauffement climatique, Mohammed Al Sabban, a même prédit sur la BBC que cette affaire aurait un «énorme impact» sur les débats à Copenhague. «Il ressort de ce scandale qu'il n'y a pas la moindre corrélation entre les activités humaines et le changement climatique», a-t-il estimé jeudi. «Donc quoi que fasse la communauté internationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, cela n'aura aucun effet sur la variabilité naturelle du climat», a fait valoir M.Al Sabban, dont le pays est l'un des principaux producteurs de pétrole de la planète. Le ministre britannique de l'Ecologie Ed Miliband s'est quant à lui employé hier à relativiser la portée du scandale. «Nous devons avoir un maximum de transparence notamment sur les données (sur le réchauffement) mais il est également très, très important de dire qu'un ensemble de courriels, potentiellement mal interprétés, ne suffit pas à défaire la science mondiale», a-t-il martelé.