L'apparente fuite en avant de l'Iran sur son programme nucléaire semble avoir pour effet de pousser Moscou et Pékin à serrer les rangs derrière Washington, Paris, Londres et Berlin, qui ont commencé à préparer des sanctions accrues contre Téhéran pour 2010. Les pays chargés du dossier nucléaire iranien - Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne - «sont tous d'accord pour refuser un Iran doté de l'arme nucléaire» et plusieurs «réfléchissent à de nouvelles sanctions», selon un responsable européen s'exprimant sous couvert d'anonymat. Depuis l'élection présidentielle iranienne de juin, le régime, malmené sur un plan intérieur, se durcit chaque jour un peu plus. Les critiques de l'Iran englobent désormais - fait nouveau - ses alliés russe et chinois. «Les Iraniens n'ont pas été en mesure en 2009 d'inventer des réponses susceptibles de diviser le groupe des Six», relève-t-on à Paris. «Et leurs dernières annonces - création de nouvelles usines d'enrichissement d'uranium, enrichissement porté à 20%, etc - ne font qu'accroître le ciment de la communauté internationale», se félicite-t-on. L'Iran s'est vu proposer par les Etats-Unis d'exporter en Russie et en France une partie de son uranium enrichi pour le transformer en combustible nucléaire pour un réacteur de recherche iranien. Mais il n'y a pas donné suite. Cette absence de réponse a conduit à l'adoption il y a une semaine d'une résolution de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (Aiea) condamnant le programme nucléaire de l'Iran. La résolution a été co-parrainée et adoptée par Moscou, depuis longtemps qualifié de partenaire privilégié de Téhéran, et approuvée par la Chine. Pour des diplomates, «la vraie rupture pour la Russie s'est produite lors de la révélation en septembre par Washington, Paris et Londres de la construction secrète d'un nouveau site d'enrichissement en Iran». Depuis, les relations russo-iraniennes se sont tendues, Moscou retardant la mise en service en Iran de la centrale nucléaire de Bouchehr et la livraison aux Iraniens de missiles sol-air de défense antiaérienne S-300. Le contexte international, avec un accord de désarmement nucléaire attendu entre Washington et Moscou, pourrait renforcer leur cohésion face à l'Iran. Pour Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs, «l'idée de sanctions contre l'Iran est soutenue à Moscou». «La vraie question sera quoi comme sanctions? Il y aura là un grand désaccord, la Russie ne soutiendra pas des sanctions fermes alors que les Etats-Unis en voudront de très dures». La politique de la Chine est moins lisible. Dans les capitales occidentales, certains responsables qualifient le vote chinois de la résolution de l'Aiea «d'évolution importante». Cette semaine, Pékin a toutefois rappelé son hostilité à des sanctions. Reste à savoir si la Chine irait jusqu'à opposer seule son veto à une future résolution qu'entérinerait la Russie. Si «la Chine participe aux pressions contre Téhéran, c'est un changement qui n'est pas fondamental», juge Shi Yinhong, spécialiste à Pékin des relations internationales, qui l'interprète plutôt comme la conséquence de l'inflexion russe. Au Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine a comme la Russie voté les cinq résolutions adoptées jusqu'à présent contre l'Iran. Les deux pays avaient toutefois oeuvré au préalable pour en limiter la portée et pourraient faire de même en cas de nouveau texte.