Prévue le 29 novembre, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire risque d'être encore une fois ajournée, les derniers retards accumulés hypothéquant lourdement la tenue de ce scrutin censé mettre un terme à la grave crise née du coup d'Etat manqué de 2002. Sortira, sortira pas? Depuis des jours, les milieux politico-diplomatiques à Abidjan bruissaient de rumeurs sur la publication de la liste électorale provisoire, étape sur la voie d'un scrutin sans cesse reporté depuis la fin du mandat du président Laurent Gbagbo en 2005. La réponse est tombée lundi soir. Attendue fin août, puis hier, la liste ne sera pas prête avant «début octobre», a-t-on appris auprès de l'Institut national de la statistique (INS). Explication: le traitement informatique des données du recensement (6,5 millions de personnes enregistrées), mené par l'INS et l'opérateur privé français Sagem, n'est bouclé qu'«à 95%». La faute aux problèmes logistiques et financiers qui, depuis son lancement fin juillet, ont fait traîner l'opération en longueur. Dans une quinzaine de jours donc, selon l'organisme public, la liste devrait être au point. Mais, avance une source proche du dossier, la publication proprement dite à travers le pays interviendrait autour de la mi-octobre. Officiellement, la date du 29 novembre n'est aucunement remise en cause, répètent les principaux acteurs. Une liste provisoire «la plus propre possible» allègera la phase de contentieux avant publication de la liste définitive, fait valoir l'entourage de Guillaume Soro, Premier ministre et leader de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). Un report ne peut être évoqué «à ce stade», ajoute-t-on. Cependant, explique une source à la Primature, «si les conditions ne sont pas réunies pour une liste consensuelle et un scrutin transparent», le chef du gouvernement «prendra ses responsabilités». Une question majeure porte en effet sur le nombre de cas litigieux, et spécialement ceux dont la nationalité fera débat. Seront-ils une poignée, des dizaines ou des centaines de milliers, ces «enrôlés» tenus d'apporter la preuve de leur nationalité? Un million même, comme l'envisagent certains observateurs? Pour l'heure, la Commission électorale indépendante (CEI) n'en a «aucune idée», glisse un diplomate africain. Or, les accusations de fraude n'ont pas cessé dans une Côte d'Ivoire encore hantée par la question identitaire. Des partis pourraient faire de cette période «un enjeu politique» et multiplier les contestations, souligne un ministre ex-rebelle: «ça pourrait prendre six mois!» En outre, comme le traitement en cours, le contentieux, l'affichage de la liste définitive et la distribution des cartes d'électeurs seront à la merci des grèves de fonctionnaires, avertit un diplomate occidental. «Les élections, d'un point de vue technique, ne sont plus possibles le 29 novembre», tranche un autre diplomate occidental. Alors décembre, ou carrément 2010? Selon des sources concordantes, un calendrier alternatif a été présenté récemment à Guillaume Soro par des intervenants extérieurs. Il suggère un scrutin pour mars-avril. Toutefois, prévient un observateur, une surprise est encore possible. Les décrets signés en août par le chef de l'Etat prévoient une liste provisoire «au plus tard» fin octobre. «Jusque-là, Gbagbo laisse toutes les options ouvertes. S'il le veut, il pourra sauter le contentieux et aller aux élections. La décision est politique».