Ce sont la stabilité et l'avenir du pays qui engrangent le fruit de ce rapprochement. Maintenant que les détenus sont libérés, que la crise de Kabylie, qui a empoisonné la vie politique du pays pendant plus d'une année, semble avoir d'autres perspectives d'expression que la voie de l'émeute, quels sont les fruits en termes de dividendes politiques pour les acteurs de ce rapprochement entre le pouvoir et le FFS qui a la prétention de jeter les bases d'une nouvelle situation politique dans le pays? Survenant au lendemain d'une élection législative fortement contestée par l'un des protagonistes de cette transaction politique, en l'occurrence le FFS, et à la veille d'une autre échéance électorale encore plus déterminante dans l'évolution de la vie politique du pays, car concernant directement la vie quotidienne du citoyen, cette nouvelle donne va être sûrement exploitée par ceux que cet arrangement risque de fausser les calculs ou les projets. D'abord, la formation politique du leader historique de la Révolution algérienne, à la faveur de cette reprise du contact et du dialogue avec les pouvoirs publics, pourrait rafler la mise lors des prochaines joutes électorales de l'automne prochain et provoquer ainsi à son profit une profonde modification de la carte politique du pays tant sur le plan régional que sur la scène nationale en termes de poids. Ensuite, et si les calculs du parti d'Aït Ahmed se réalisaient sans accrocs majeurs, il redeviendrait ainsi la locomotive de toute la mouvance dite «démocrate» et se placerait aussi comme le chef de file de tout le courant politique qui tente depuis des années de se présenter comme l'alternative en termes de personnel et de programme politique à ceux qui composent le système actuel. Quant au Président de la République - qui clame depuis le début de son mandat il y a trois ans qu'il est le Président de tous les Algériens et qu'il est l'homme du dialogue avec tous les bords politiques de la société algérienne, nul doute qu'avec son dernier geste de grâce au profit des détenus des émeutes et des manifestations dont le pays a été le théâtre durant ces derniers mois - il vient de frapper un grand coup en prouvant, geste à l'appui, que la démocratie et la culture de la paix en Algérie ne sont pas seulement un discours ou un voeu pieux. Il va de soi que les adversaires et les détracteurs du chef de l'Etat vont essayer de vider de sa substance, ou du moins de diminuer de sa valeur, l'acte présidentiel en le liant à des volets de politique politicienne et particulièrement à des considérations électoralistes de précampagne pour les locales du 10 octobre prochain. Or, les préoccupations du Président de la République sont d'un tout autre ordre. Le communiqué de la Présidence de la République, rendu public à la suite de la décision de grâce visant les détenus, est très révélateur de la volonté des pouvoirs publics de réunir les éléments et les conditions pour l'avènement d'un authentique Etat de droit dans le pays, suivant en cela les aspirations et les attentes de l'ensemble des citoyens algériens. Il est d'ores et déjà acquis que le geste du chef de l'Etat sera positivement apprécié par l'opinion publique interne, notamment les formations politiques qui n'ont pas cessé de réclamer des mesures de détente et d'apaisement de la scène politique algérienne avant la tenue de ces élections locales, que par les capitales étrangères qui comptent sur l'échiquier mondial et qui ont, de surcroît, déjà encouragé et félicité le Président Bouteflika pour sa persévérance dans cette voie du dialogue et de la poursuite du processus électoral pour sortir le pays de la zone de turbulences. Il est vrai que les enjeux en vue dépassent toutes les considérations partisanes ou les ambitions personnelles. Au contraire, c'est la stabilité - et donc de l'avenir - de toute une nation qui est sur le tapis.