Depuis plus de 20 mois maintenant, la Kabylie vit au rythme de la violence, d'arrestations, de grèves de la faim et de rumeurs. A force de durer, celles-ci sont devenues en quelque sorte un mode d'expression remplaçant le dialogue proprement dit, qui, s'il avait eu lieu, aurait sans doute permis à la région de retrouver sa quiétude et aux détenus leur liberté. Cette réalité est loin de connaître son épilogue d'autant plus que les deux parties protagonistes donnent l'impression d'être de loin soucieuses de l'état des lieux et des conséquences que cette situation engendrerait. La disponibilité au dialogue affichée par les pouvoirs publics et le rejet qui lui est réservé à chaque fois par les animateurs n'ont fait que compliquer davantage la situation au point que la crise est devenue difficilement surmontable. Après la rumeur portant sur une éventuelle libération des détenus à l'occasion de l'Aïd El-Fitr, qui n'a finalement pas eu lieu, la situation s'est nettement dégradée ces derniers temps. Le maintien des détenus en prison et la dégradation continuelle de leur santé restent les principales préoccupations des citoyens. En l'absence d'une réelle perspective, la tendance radicale du mouvement citoyen tente de maintenir la pression sur les autorités afin de les amener à élargir les détenus en grève de la faim depuis plus de 24 jours. Les informations rapportées chaque jour par la presse nationale sur l'état de santé des grévistes ne laissent pas indifférents les citoyens qui se sont montrés très préoccupés par la tournure prise par les événements d'autant plus qu'aucune lueur d'espoir ne pointe à l'horizon. L'homme de la rue se déclare solidaire avec Abrika et ses compagnons, mais s'interroge cependant sur cette tendance à «pousser les choses au pourrissement». Du coup, on n'hésite pas à montrer d'un doigt accusateur aussi bien le pouvoir que les ârchs. Si le simple citoyen ne comprend guère «l'attitude silencieuse du premier devant le cas gravissime des détenus grévistes», il ne s'associe pas, en revanche, avec les actions que préconisent les seconds. En effet, depuis que la situation a commencé à s'exaspérer, l'homme de la rue s'est replié et s'est désolidarisé avec toute perspective pouvant donner lieu aux troubles envenimant davantage le climat déjà trop chargé. Loin de comprendre cette réalité, les animateurs des ârchs donnent l'impression de pousser le bouchon trop loin en recourant à une radicalisation qui «s'apparente» à une volonté de plonger la région dans l'irréparable, notent plusieurs citoyens. Aussi, toutes les actions initiées jusque-là ne trouvent plus de preneurs. Il est fort probable que celles inscrites dans les jours qui viennent subiront le même sort. C'est pourquoi une tendance lourde de l'opinion penche plutôt pour d'autres perspectives politiques qui éloigneraient du spectre de la violence et aboutiraient aussi à la libération des délégués détenus et la satisfaction des revendications citoyennes, allusion «aux négociations ou au dialogue et à la concertation». A en croire de nombreux citoyens, «il est urgent d'aller vers une rencontre salutaire entre les deux protagonistes». Ainsi, on compte aussi bien sur «la volonté du Président de la République que sur celle des délégués soucieux de la stabilité du pays d'opter pour la concertation qui rendrait espoir à tout le monde». C'est là le constat fait à partir de commentaires que de nombreux citoyens ont voulu nous accorder, hier, par rapport à la situation en Kabylie, jugée «inquiétante».