L'histoire retiendra, qu'au moment où le gouvernement marocain refuse le retour de la militante sahraouie au sein de sa patrie, Rabat aura ouvert les bras au chef de la junte militaire guinéenne. Les autorités marocaines auront, à travers ces deux événements, donné une bien triste image de leur conception du traitement des droits de l'homme au royaume de Mohammed VI. Il faut reconnaître que le nouvel homme fort de la République de Guinée, Moussa Dadis Camara, qui s'annonçait comme un dictateur en puissance, ne gênait en aucun cas la fausse torpeur dans laquelle s'est allègrement enlisé le Royaume marocain, occupé à se justifier quant à l'expulsion d'un petit bout de femme aux mains nues qui n'a eu de cesse de dénoncer la féroce répression dont fait l'objet son peuple: le peuple sahraoui. Portraits croisés. Le 13 novembre, de retour des Etats-Unis où lui fut décerné le Prix du courage civil par la fondation Train, elle a été arrêtée par les forces d'occupation marocaines à l'aéroport d'El Ayoune après avoir refusé de porter la mention «Sahara marocain» sur sa fiche de débarquement. Elle fut expulsée manu militari vers l'île de Lanzarote qui se trouve dans l'archipel des Canaries. Elle y entame depuis une grève de la faim illimitée qui entre dans sa quatrième semaine. Son état de santé est jugé très critique par son médecin traitant. «Elle traverse un moment risqué. Le danger vient de ce que sa force mentale la fait paraître mieux qu'elle n'est réellement. Son temps est en train de s'achever. Nous ne pouvons plus parler de semaines, mais d'heures et de jours», a prévenu le Docteur Domingo de Guzman Perez Hernandez. 28 septembre 2009, un meeting est organisé dans l'enceinte du stade de la capitale guinéenne, Conakry. Il est plein à craquer. Il peut contenir jusqu'à 25.000 places. La manifestation dérape. Les militaires qui ont porté au pouvoir le capitaine Dadis Camara quelques heures seulement après le décès du deuxième président de Guinée, Lansana Conté, tirent sur la foule. Bilan officiel: 157 personnes massacrées. Des milliers de blessés sont signalés ainsi que des dépassements qui se sont soldés par de nombreux viols. La communauté internationale s'émeut et s'indigne. Les Etats-Unis et la France réclament une enquête internationale qui sera confiée par le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Ban Ki-moon, au diplomate algérien Mohamed Bedjaoui. Le 3 décembre, le nouveau maître, autoproclamé, de la République de Guinée est atteint de plusieurs balles tirées par son aide de camp. Moussa Dadis Camara est évacué en urgence vers l'hôpital militaire Hay Riyad de... Rabat. L'histoire retiendra qu'au moment où une jeune femme sahraouie de 42 ans, militante des droits de l'homme qui, à bout de forces, lutte contre la mort, empêchée par le gouvernement marocain de rejoindre sa patrie, Rabat aura, les bras grands ouverts, accueilli un dictateur africain, président autoproclamé, sanguinaire de surcroît, pour des «considérations humanitaires» alors qu'il fait l'objet d'une enquête internationale qui est menée par un Algérien. Cet élan du coeur des autorités marocaines pourrait trouver en la nomination de Mohamed Bedjaoui l'explication des nouvelles calomnies qui visent encore une fois l'Algérie. L'expulsion d'Aminatou Haïdar et la grève de la faim qu'elle mène avec un courage admirable pour faire plier l'administration marocaine, ont sensibilisé la communauté internationale qui a exprimé sa préoccupation quant à la dégradation de son état de santé. Il met, en outre, en lumière la question du respect des droits de l'homme au Sahara occidental. Et ce n'est certainement pas la main tendue à un dictateur, adepte du culte de la personnalité, qui dédouanera les forces d'occupation marocaines de la répression exercée contre un peuple sahraoui en quête de la tenue d'un référendum d'autodétermination pour son indépendance. Le Maroc feint de l'ignorer et continue à faire dans la diversion, déniant le statut pourtant consacré et internationalement reconnu de militante des droits de l'homme d'Aminatou Haïdar. La dénommée Aminatou Haïdar n'est pas une défenseur des droits de l'homme mais un élément du «Polisario qui répond à un agenda politique de ses commanditaires sur territoire algérien qui cherchent à saper les efforts visant à trouver une solution au conflit du Sahara qui divise le Maghreb arabe» a déclaré lundi à Bruxelles, Taïeb Fassi Fihri, le ministre marocain des Affaires étrangères. La réponse de l'Union européenne a été cinglante. L'UE, dans un communiqué rendu public, mardi, s'est montrée «préoccupée» par la situation qui prévaut dans la région et a réitéré «son attachement à la situation des droits de l'homme au Sahara occidental» De son côté, Madrid, qui a été entrainée et impliquée dans l'expulsion d'Aminatou Haïdar, et de la dramatique conséquence qu'elle a occasionné au niveau de sa santé, est désormais au bord de la brouille diplomatique avec Rabat.