C'est aujourd'hui que reprend à Armonk, une ville du comté de Westchester, située dans l'Etat de New York, la seconde réunion informelle concernant le Sahara occidental. Rabat joue certainement très gros. Il aura du mal à se défaire de «l'affaire Aminatou Haïdar» qui lui colle désormais comme une seconde peau. Sa stratégie est déjà connue à l'avance, réglée comme du papier à musique: elle consiste à s'arc-bouter autour de son plan de large autonomie. Une position que tentera d'infléchir le représentant personnel du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies en faisant valoir l'essence même de la résolution 1871 adoptée le 29 avril 2009 et qui garantit au peuple sahraoui le droit de s'exprimer librement sur son indépendance à travers la tenue d'un référendum d'autodétermination. Une revendication que porte à bout de bras le Front Polisario dans le respect de la légalité internationale. Un point de discorde qui relègue aux antipodes les positions des représentants du peuple sahraoui et celles des négociateurs marocains et que quatre rounds de négociations officielles entamées depuis trois ans, en 2007, n'ont pas réussi à rapprocher. Mais voilà, cette fois-ci la délégation du Royaume alaouite qui sera emmenée par son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, partira à ces pourparlers fortement entachée par l'atteinte à l'exercice des droits de l'homme contre les militants sahraouis. L'arrestation de sept d'entre eux le 8 octobre à l'aéroport de Casablanca après leur retour d'une visite qu'ils avaient effectuée dans les camps de réfugiés de Tindouf ainsi que l'expulsion d'Aminatou Haïder le 13 novembre vers l'île de Lanzarote aux Canaries, figurent parmi les événements géopolitiques phares de l'année 2009 qui ont relancé la question du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Ces deux affaires fortement médiatiseés auront à elles seules sévèrement terni l'image de la politique marocaine au Sahara occidental et mis à mal le projet de colonisation des territoires occupés sous le couvert d'un insidieux projet d'autonomie concocté pour les territoires occupés. La communauté internationale les avait condamnées sans sourciller. La diplomatie américaine a montré sa «préoccupation» et s'est inquiétée de la dégradation de l'état de santé de la militante sahraouie des droits humains qui était en grève de la faim pour protester contre la confiscation de son passeport et son éloignement forcé d'El Aâyoune par les forces d'occupation marocaines. «Washington demeure inquiet pour le bien-être et la santé de la militante sahraouie Aminatou Haïdar, lauréate du prix Robert F.Kennedy pour les droits de l'homme 2008 et du prix 2009 du courage civil de la Fondation Train», avait souligné un communiqué du secrétariat d'Etat américain. Devant le silence observé par le gouvernement marocain, l'ex-première Dame des Etats-Unis a haussé le ton. «Notre inquiétude pour la santé de Mme Haïdar et notre souhait est que l'on essaie de résoudre cette situation dès que possible», avait déclaré Hillary Clinton dans un second communiqué, mettant à profit la présence du ministre marocain des Affaires étrangères qui se trouvait à New York vers la mi-décembre 2009. Mohammed VI a cédé quelques jours plus tard au nom de considérations humanitaires. La diplomatie marocaine venait de subir un retentissant revers. Deux ministres qui ont piloté l'oprération de l'expulsion de la pasionaria sahraouie en ont fait les frais lors d'un mini-remaniement du gouvernement. Chafik Benmoussa, le ministre de l'Intérieur, qui donnait l'impression d'être inamovible, et Abdelwahad Radi en charge du portefeuille de la Justice. Ce qui n'a pas pour autant infléchi les visées expansionnistes du Royaume vis-à-vis du Sahara occidental ainsi que sa politique de répression exercée à l'encontre des militants de la cause sahraouie. «La loi marocaine, porteuse de droits et de garanties mais également de droits et de responsabilités, s'applique et s'appliquera conformément à la pratique internationale au Sahara marocain», a écrit Taïeb Fassi Fihri, ministre marocain des Affaires étrangères, dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, mettant Ban Ki-moon devant le fait accompli et surtout dans l'embarras. Dans de telles conditions, si la délégation marocaine part dans un tel état d'esprit, y aura-t-il encore une place pour des pourparlers de bonne foi et sans conditions? C'est pourtant une des principales recommandations de la résolution 1871. Une base sur laquelle doivent reprendre les discussions entre les deux parties en conflit. Il serait de toute façon étonnant que soit annoncée la tenue d'un cinquième round de négociations officielles s'il n'est pas trouvé de solutions à la question des droits de l'homme. La prochaine résolution qui sera adoptée le 29 avril 2010 devrait leur accorder une place de choix. «L'affaire des droits de l'homme occupera une place importante dans le renouvellement dans le mandat de la Minurso au mois d'avril», a confié, il y a environ une semaine, Christopher Ross au quotidien madrilène El Pais. Les pourparlers d'Armonk serviront à leur déblayer le terrain.