Cet accord revient à proposer «une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre avenir», a lancé, très remonté, le délégué du petit archipel de Tuvalu, menacé par la montée des eaux du Pacifique. La conférence de Copenhague a accouché samedi d'un accord enrôlant les principaux pollueurs, dont la Chine et les Etats-Unis, autour d'ambitions limitées pour lutter contre le réchauffement de la planète. «Ce n'est peut-être pas tout ce que nous espérions, mais cette décision de la conférence des parties est une étape essentielle», a estimé le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, après deux semaines de tractations chaotiques, un sommet à 130 chefs d'Etat et une nuit de débats acides. Hier matin, la conférence a «pris note» de l'Accord de Copenhague, adopté vendredi soir par les chefs d'Etat de 28 pays industrialisés et émergents. Un terme juridiquement et politiquement moins engageant qu'une adoption formelle par consensus, rendue impossible par les divergences entre pays en développement. «Ils ont trouvé un moyen de donner une reconnaissance officielle à cet accord d'une manière telle que ceux qui étaient contre ont été persuadés de ne pas s'y opposer», résume David Doniger, expert au Centre climat du Natural Resources Defense Council (Etats-Unis). L' «Accord de Copenhague» un peu vite annoncé vendredi soir par les présidents américain Barack Obama et français Nicolas Sarkozy comme acquis, a dû être soumis dans la nuit à l'assemblée plénière. Bien que jugé «insuffisant» par MM.Obama et Sarkozy - ce dernier y voyait cependant «le meilleur accord possible» - le document de trois pages à peine fixe comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels. Pendant une large partie de la nuit, le Premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen, épuisé, a donné la parole aux délégués qui ont dénoncé, pour certains en termes agressifs, cet accord conclu, jugeaient-ils, dans leur dos. Cet accord revient à proposer «une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre avenir», a lancé, très remonté, le délégué du petit archipel de Tuvalu, dans le Pacifique sud, directement menacé par la montée des eaux liée au réchauffement de la planète. Si cet «accord de Copenhague» a suscité des débats houleux, c'est qu'il a été négocié en secret, derrière des portes closes, en contradiction avec les règles multilatérales des Nations unies, par une sorte de G-20 élargi, essentiellement les Etats-Unis, l'Europe, et les grands pays émergents comme la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil, qui sont à eux tous les principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Cet accord a minima appelle les pays industrialisés et les pays en développement à affirmer leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre par écrit d'ici à la fin janvier et prévoit des mécanismes garantissant la transparence de leur mise en oeuvre. Mais il ne fixe pas de date pour un «pic» au-delà duquel les émissions commenceraient à décroître. Il prévoit également 30 milliards de dollars à court terme (années 2010, 2011 et 2012), puis une montée en puissance pour arriver à 100 milliards de dollars d'ici à 2020, destinés en priorité aux pays les plus vulnérables afin de les aider à s'adapter aux impacts du dérèglement climatique. Nombre d'ONG environnementales ont dénoncé un fiasco: «Pas de contrainte, aucun objectif à 2020 ni à 2050: difficile d'imaginer pire conclusion pour la conférence de Copenhague», déplorait Green-peace. Déception cruelle pour nombre de négociateurs engagés dans le processus: le paragraphe stipulant la nécessité d'aboutir à un traité «légalement contraignant» d'ici la conférence de Mexico fin 2010, un temps envisagé, ne figure plus dans le document final. La chancelière allemande Angela Merkel a proposé d'accueillir une conférence de mi-parcours, en juin à Bonn. «C'est d'une tristesse incroyable à l'intérieur de cette salle», déplorait hier le climatologue français Jean Jouzel au sortir de la réunion plénière. Et de souligner le contraste saisissant avec l'atmosphère prometteuse dans laquelle s'était conclue, il y a deux ans, la conférence de Bali qui avait lancé «la feuille de route» jusqu'à Copenhague.