Il y a un peu de la folle ambiance d'Oran El-Bahia qui plane sur l'assistance. Ils sont venus pour la «roubla»: familles, couples enlacés et groupes de jeunes surexcités. Le théâtre du Casif, à Sidi Fredj, sur la côte ouest algéroise, brûle d'impatience. Tout le monde l'attend. Cheba Djennet à l'affiche draine tous les raïlovers d'Alger. Les organisateurs font patienter le public avec Hamdane, le type du Taxi madjnoun qui assure l'animation et le ténébreux cheb Nabil qui «fait ses débuts sur une scène publique», indique un connaisseur du milieu. Il est presque minuit et demi. Les enfants amenés par leurs parents sont K.-O. Les jeunes s'impatientent. Un sketch tente de les faire supporter l'attente. Enfin, Hamdane annonce la star du moment. Cheba Djennet fait son entrée: look «papicha», avec ensemble noir, pantalon et chemisier, haut pailleté et sourire affiché. Dans les gradins du Casif, c'est l'hystérie joyeuse. Les femmes de tout âge se bousculent devant la scène pour prendre photo avec la nouvelle coqueluche oranaise. Les agents de sécurité sont dépassés. Djennet se prête au jeux des séances photos improvisés. La sulfureuse à la voix frémissantes lance: «Nekhdem âla cherri machi bechwaker», ( je travaille pour gagner mon pain et je n'ai pas de «patrons»). La cheba se tient loin du public. «Elle a encore peur de la foule», remarque un des présents. Au centre de la scène, elle égrène tube après l'autre, alors que la piste de danse et les gradins s'enflamment en mille trémoussements. Un jeune homme, au bord de la rampe des gradins supérieurs, invente les plus osée des déhanchements. «Aâladjalou n'grissi» (j'agresserai pour lui), lance la belle. Heureusement que les quelques gendarmes présents ne la prennent pas au mot. Le public réclame «Ma t'djebdeloulich», Djennent ne veut pas qu'on le lui rappelle. Lui, l'amoureux, l'homme perdu, perdant. La scène réagit au quart de tour. On ne tient plus sur place. La diva venue tout droit d'El Manara, cabaret phare de la corniche oranaise, salue les enfants d'El-Harrach et de Bab El-Oued. Ces derniers le lui rendent bien. Il y a un peu de la folle ambiance d'Oran El Bahia qui plane sur l'assistance. La nuit se poursuit sous le rythme appuyé du raï. Les prochaines soirées sont toutes aussi prometteuses. Mardi prochain, cheb Abdou, la figure emblématique du gai-raï, sera de la partie au Casif. Attention à la marche!