Photo : S. Zoheir Par Sihem Ammour La musique andalouse, cette musique savante à transmission orale, occupe désormais une place remarquable sur la Toile à travers une multitude de sites Internet et de blogs. Toutefois, si ces sites contribuent à la vulgarisation de cette musique, ils ne participent pas forcément à sa sauvegarde, estiment des musicologues et interprètes interrogés par l'APS. La préservation de ce patrimoine artistique consiste, notamment, en la formation, l'enregistrement audiovisuel et la recherche, tandis que le rôle du Net est, entre autres, de le faire connaître à un public plus large. L'interprète de musique andalouse Noureddine Saoudi estime que la majorité des sites Internet consacrés à cette musique sont conçus dans un «souci de communiquer et d'apporter des avis et commentaires, en abordant la dimension patrimoniale d'une manière superficielle». Il précise toutefois que certains sites «donnent des informations utiles» car leurs concepteurs retracent, en se basant sur un travail de recherche, toute la dimension musicale intime de ce patrimoine, de la prosodie à la mélodie en passant par les personnalités et les associations, citant comme exemple le site yafil.free.fr. Noureddine Saoudi ne voit pas l'utilité de concevoir un site Internet personnel, car ce genre d'espaces n'a pas de relation directe avec la préservation du patrimoine musical andalou. Cet artiste, qui préfère aussi le contact direct au virtuel, souligne que «le plus important pour la sauvegarde de cette musique, c'est l'enseignement, la communication directe à travers l'animation de conférences thématiques, la recherche et l'analyse sur la musique et la création à partir du modèle andalou». Pour le chercheur indépendant et concepteur du site Internet Yafil, Youssef Touaïbia, «le Net est un moyen non pas de sauvegarde mais de convergence des expériences personnelles dans le domaine du patrimoine musical. Il s'agit aussi d'une formidable plate-forme pour le rayonnement de la culture algérienne». M. Touaïbia rappelle que la sauvegarde est une opération qui avait été initiée dans les années 1930, avec l'émergence des premières associations musicales qui se sont fixé la mission de se réapproprier un patrimoine musical ancestral. Le patrimoine musical andalou «a survécu à plus d'un maître, à plus d'une crise et à plus d'un envahisseur et n'a jamais été en danger de mort», pense le chercheur, estimant que «personne ne peut s'autoproclamer défenseur de la musique andalouse, pas même la fantastique percée technologique qu'est le Net». Il ajoute que le travail sérieux sur le patrimoine se fait sur le terrain en précisant que «le terrain, c'est les associations de musique, les maîtres encore en vie, les bibliothèques qui détiennent des trésors, les particuliers qui gardent en otage un patrimoine comprenant des manuscrits et des archives sonores. C'est aussi l'étude et la critique du répertoire. Le Net n'est qu'un support de l'information». Interrogé, dans ce cas, sur l'utilité du site Internet qu'il a conçu, M. Touïabia précise que cet espace virtuel, dont l'idée est venue après la tenue en l'an 2000 d'un colloque sur le devenir de la musique sanaa à Alger, «a été créé pour pousser à la réflexion sur ce patrimoine et pour réfuter les dires de certains musicologues ‘‘zyriabistes'' qui, ignorant tout de notre patrimoine, voient en lui juste un héritage venu d'ailleurs». L'interprète de musique andalouse Beihdja Rahal trouve aussi que le Net ne contribue pas à la préservation du patrimoine musical andalou, mais représente plutôt un moyen supplémentaire pour informer sur cette musique et la vulgariser. Elle confie à ce sujet : «Pour moi, le rôle du Web, c'est de mettre à la disposition des gens ce patrimoine à travers des textes ou des extraits vidéo dans un but de vulgarisation. Moi, par exemple, j'ai créé un site Internet personnel afin de partager mon travail avec des milliers de personnes, en Algérie comme ailleurs, et aussi pour faire la promotion de mes albums.» Beihdja Rahal estime que la préservation consiste en la formation, les enregistrements, les concerts, la transmission de maître à élève et l'encadrement et la bonne prise en charge des associations de musique andalouse, soulignant que «le rôle principal de ces associations est la formation et non l'animation de concerts et soirées. Elles représentent des écoles avant tout, donc elles ont besoin de locaux, de mobilier et de moyens pour accomplir leur vraie mission». Quant à l'animateur du blog www.andaloussi.net, Sid-Ahmed Abid, il estime au contraire que le Net est «un support fiable quand il est bien manié». Le Net est, pour ce passionné de musique andalouse et de photographie, «une grande Toile et un moyen développé pour la communication et les échanges, qui crée indéniablement des liens entre les différents acteurs de cette musique et le public mélomane». Il affirme que le patrimoine musical andalou est sauvegardé par le nombre appréciable d'associations musicales qui œuvrent sur le territoire national mais aussi à l'étranger. Pour ce blogueur, «le Net ouvre la voie à tout le monde. Chacun peut concevoir et mettre en ligne des informations, des partitions musicales et des vidéos»a,et donc représente réellement un moyen efficace pour protéger ce patrimoine et le faire connaître».