La confusion entre les cas confirmés et contaminés, la polémique sur le vaccin, la stratégie de prise en charge et les insuffisances constatées dans ce dispositif, sont autant de questions éclaircies par le Pr Habib Douagui (*), dans cette interview accordée à L'Expression. L'Expression: Des informations contradictoires circulent sur la grippe A. Quelle est la différence entre personne contaminée et cas confirmé? Pr Habib Douagui: Avant l'apparition des premiers signes de la maladie (fièvre, toux, courbatures, nez qui coule, éternuement), il existe une phase d'incubation qui dure quelques jours avant le début de la maladie. Quand le malade présente les signes de la grippe A et qu'il tousse et éternue, il va contaminer les personnes qui sont à son contact. A ce moment-là, si on fait des prélèvements de la gorge ou des fosses nasales, pour un diagnostic virologique, on établira le diagnostic et le cas sera alors confirmé. Aussi toute personne contaminée est un cas authentique de grippe A qui pourra alors être un cas confirmé par le diagnostic virologique. Combien de temps faut-il pour confirmer officiellement un cas? Il faut environ six heures après le prélèvement pour avoir la confirmation virologique. De nouveaux outils donnent le diagnostic en 15 mn mais ne sont pas encore disponibles en Algérie. S'ils sont validés, cela nous permettra de traiter rapidement les malades atteints de la grippe A/H1N1. Beaucoup de choses ont été dites sur cette fameuse vaccination. Faut-il se faire vacciner? Je voudrais faire une remarque générale portant sur le dysfonctionnement et le manque flagrant de communication. Il y a eu en Algérie, même dans le monde entier, un déficit flagrant de communication, d'information et de sensibilisation en direction des citoyens. Le corps médical français a refusé à un moment de se faire vacciner. Comment voulez-vous que les citoyens puissent faire confiance à un vaccin alors que le corps médical est pris en flagrant délit de suspicion vis-à-vis de cette vaccination? Pour répondre à votre question, je dirais que la seule façon de limiter cette pandémie est de procéder sans délai à la vaccination en masse (en tenant compte bien entendu d'un calendrier des priorités). Pour la qualité du vaccin, plusieurs pays ont débuté leur campagne de vaccination et il semble que celle-ci se déroule sans problème majeur: il y a naturellement quelques rarissimes effets secondaires (que l'on retrouve même dans la vaccination saisonnière) qui sont sans gravité particulière. J'en profite pour rassurer les citoyens en leur disant que le contrôle des vaccins est une procédure habituelle qui a pour but de confirmer que les vaccins sont sans danger. Je voudrais attirer leur attention pour ne pas utiliser les médicaments de façon anarchique. Car on créerait rapidement des résistances qui poseraient de sérieux problèmes si cette pandémie prenait des proportions inquiétantes. C'est pourquoi, la mise à la disposition avec gratuité de ces médicaments dans les pharmacies, doit être accompagnée de précautions draconiennes à savoir leur utilisation exclusive pour les malades atteints de la grippe A/H1N1. Que pensez-vous de la stratégie de prise en charge mise en place depuis le début de cette pandémie en Algérie? Dès l'annonce par l'OMS du premier cas déclaré dans la ville de la Gloria au Mexique, le 24 avril 2009 et la mise en place quelques jours plus tard de l'alerte de niveau 5 (signal fort qu'une pandémie est imminente), puis du niveau 6 (pandémie officiellement déclarée), notre pays a pris les mesures appropriées pour mettre en place un dispositif cohérent de surveillance, de détection et de prise en charge préventive et curative de cas de grippe A/H1N1. Aujourd'hui, nous récoltons les efforts colossaux faits par notre pays dans le domaine de la santé, qui, malgré quelques faiblesses essentiellement organisationnelles et managériales, est un système que nous envient beaucoup de pays. La mise en place de caméras thermiques dans les aéroports a permis de dépister des cas importés. Que faut-il améliorer dans l'actuel dispositif? Il faut améliorer la campagne de sensibilisation et d'information en direction des citoyens dans les lieux de travail, dans les universités et les écoles. Il faut installer au niveau de toutes les régions sanitaires du pays, un centre de diagnostic virologique de la grippe A et profiter de cette pandémie pour augmenter les services de réanimation (adultes et enfants à travers le pays) et réfléchir avec tous les acteurs concernés à la mise en place d'un véritable plan Orsec, multisectoriel de prise en charge d'une pandémie. Malheureusement, dans un avenir plus ou moins proche, d'autres pandémies sont à craindre par des agents infectieux nouveaux. (*) Professeur et chef de service de pneumo-allergologie et d'oncologie thoracique du CHU de Béni-Messous. Président de la Fédération maghrébine d'asthmologie, d'allergologie et d'immunologie clinique. Membre du Comité exécutif de la World Allergy Organisation pour la région Afrique et Moyen-Orient. Rédacteur en chef de la revue Allergies et immunologie clinique. Ancien sénateur et ancien vice-président du Sénat (1998-2004).