L'Espagne s'est fixé pour double priorité de roder le traité de Lisbonne et de conforter le retour à la croissance économique, sur fond de montée persistante du chômage en Europe. L'Espagne a pris hier la présidence tournante de l'UE, confrontée au double défi de la relance économique et de la nouvelle gouvernance d'une Europe désormais bicéphale, dotée d'une présidence permanente par le traité de Lisbonne. Le chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, dont le pays subit une sévère récession, a affirmé que sa grande priorité était de «sortir (l'UE) de la crise» et conforter la timide reprise économique en Europe. Il a aussi inauguré cette nouvelle ère institutionnelle de l'UE en assurant dans un message diffusé hier que la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne allait aboutir à une Europe «plus efficace et plus dynamique». Le défi est de taille: M.Zapatero devra compter avec le nouveau président permanent de l'UE, le Belge Herman von Rompuy, mais aussi avec la responsable de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et le président de la Commission, José Manuel Barroso. Autant de sources possibles de frictions et de confusion que devra surmonter Madrid lors de la mise en place complexe du traité de Lisbonne, un saut dans l'inconnu, alors que l'Espagne, succédant à la Suède, entame sa quatrième présidence semestrielle de l'UE. Cette présidence sera «très importante» car elle va «former le nouveau modèle de coopération entre les Etats membres et les institutions de l'UE», a noté le président du Parlement européen, Jerzy Buzek. M.van Rompuy, négociateur accompli, a affirmé vouloir travailler «la main dans la main» avec l'Espagne, mais il a déjà marqué son territoire en s'assurant la présidence de tous les sommets organisés au cours des six prochains mois. Conjoncture oblige, M.Zapatero a qualifié de «grand thème» de la présidence espagnole la consolidation de l'apparente reprise économique en Europe, appuyant une évolution vers une économie européenne «plus productive, innovatrice et durable». Mais l'Espagne, avec ses 4 millions de chômeurs et son modèle immobilier en faillite, est le mauvais élève de la classe européenne. M.Zapatero, qui se veut aux manettes sur le dossier économique, suivi également de près par MM.van Rompuy et Barroso, devra convaincre ses partenaires de la pertinence de son projet de «gouvernance économique» de l'UE. Accusé par l'opposition de droite d'avoir mal géré la crise, M.Zapatero, au pouvoir depuis 2004 et jusqu'en 2012, est affaibli politiquement à l'orée de la présidence espagnole et suscite un certain scepticisme dans une Espagne pourtant europhile. Il espère redorer son blason sur le plan international, profitant des grands sommets bilatéraux organisés à Madrid et Barcelone: avec les Etats-Unis et la venue programmée en mai de Barack Obama, et avec l'Amérique Latine et l'Union pour la Méditerranée (UPM). Le renforcement des liens avec l'Amérique latine, un rapprochement, contesté, avec Cuba et la consolidation de l'UPM comptent parmi les priorités de Madrid, au-delà de l'objectif global de renforcer le rôle et la voix des 27 dans le concert mondial. L'agenda espagnol vise également une Europe plus «sociale», le développement de l'égalité hommes-femmes et la lutte contre la violence sexiste.