64% des Français sont favorables à la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière. C'est ce qu'indique une enquête réalisée par l'Ifop, l'Institut français d'opinion publique, au profit du quotidien L'Humanité. La France officielle rame de toute évidence à contre-courant de l'Histoire. Au moment où le ministre de l'Immigration se targue d'avoir expulsé 29.000 étrangers dont 1552 Algériens, en 2009, un chiffre largement supérieur (27.000) à la feuille de route qui lui a été tracée par Nicolas Sarkozy, ses compatriotes se sont prononcés en faveur d'une régularisation des sans-papiers. L'opinion a pourtant été chauffée à blanc depuis plusieurs mois avec les débats sur les tests ADN que l'on a voulu imposer aux postulants au regroupement familial, celui des ports du voile puis de la burqa...Dans la foulée Eric Besson lance son débat sur l'identité française qui s'est transformé en violente campagne de stigmatisation de la religion musulmane dont font les frais les immigrés et la population maghrébine en particulier. Surprise. Une grande majorité semble plutôt vouloir afficher une réprobation, très perceptible, envers cette chasse à l'homme qui ne dit pas son nom. Les Français reconnaissent même le rôle essentiel que joue cette population au sein de l'économie française. Une force de travail nécessaire à des travaux et des emplois que les Français, dans leur ensemble, n'affectionnent pas tellement, même en période de crise. Pour eux «il n'y aura pas d'économie sans ces travailleurs». 78% des personnes interrogées mettent, en effet, l'accent sur l'apport non négligeable, de ces travailleurs à l'économie de l'Hexagone. La société française pourtant assez sensible et réceptive, pour une grande partie d'entre elle, au thème de l'immigration, semble avoir beaucoup évolué à ce propos. Fonds de commerce de prédilection de la droite classique et des partis d'extrême droite à l'instar du Front National, notamment à l'approche des échéances électorales comme c'est le cas cette fois-ci pour les régionales qui doivent se dérouler au mois de mars prochain, il laisse quelque peu de marbre l'opinion française. Sans doute lassée par des arguments qui n'ont jamais justifié les politiques de l'immigration qu'ont menées les différents gouvernements qui se sont succédé à Matignon, qu'ils soient de droite ou de gauche. «Cela montre qu'il y a une bonne compréhension du dossier par les Français, qui appellent sur ce sujet à une réponse équilibrée loin des postures idéologiques radicales», a souligné Jerôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion et stratégies d'entreprise, de l'Ifop. Cette analyse rejoint celle de l'historien et démographe Emmanuel Todd qui avait déclaré dans une interview publiée le 26 décembre par le quotidien Le Monde: «Tous les sondages d'opinion le montrent: les thématiques de l'immigration, de l'Islam sont en chute libre et sont passées largement derrière les inquiétudes économiques.» Les résultats de l'enquête publiés par le quotidien L'Humanité sont en ce sens éloquents.70% des électeurs de la majorité présidentielle estiment que le rôle de ces salariés en situation irrégulière n'est pas négligeable tandis que chez les sympathisants des formations de gauche (Parti communiste, Parti socialiste...), ils sont 91% à le penser. 24% des sondés se prononcent pour une régularisation massive des immigrés en situation irrégulière alors que seulement 12% s'y opposent de manière catégorique. Des chiffres que doit méditer le ministre, plus que controversé, de l'Immigration, Eric Besson, et en particulier, Nicolas Sarkozy qui n'a pas caché ses ambitions pour succéder à lui-même en 2012. Il se ret-rouve au plus bas dans les sondages. 60% des Français sont mécontents de son action, selon un sondage paru au début du mois de décembre 2009. Une situation peu confortable pour briguer un second mandat. L'Elysée, qui, en a pris acte, a donné des instructions fermes pour que soient gelés tous ces sujets qui, non seulement fâchent, mais ont aussi provoqué des dérapages qualifiés de racistes par des membres du gouvernement. Brice Hortefeux s'était gaussé de l'origine arabe d'un jeune militant le 5 septembre 2009 lors de l'université d'été de l'UMP, qui s'est tenue à Seignosse dans les Landes. La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, avait de son côté, donné une image stéréotypée du jeune musulman qui, pour elle, ne doit pas parler le verlan et s'abstenir de porter la casquette à l'envers, lors d'une réunion publique à Charmes dans les Vosges, le 14 décembre 2009. On était en plein débat sur les minarets et l'identité française. Pour jeter de l'huile sur le feu, on ne pouvait guère faire mieux. La cerise sur le gâteau, c'est très certainement la proposition de loi que veut faire voter la majorité présidentielle pour interdire le port de la burqa, à laquelle Nicolas Sarkozy ne souhaite pas la bienvenue en France. Certaines statistiques avancent le chiffre d'environ 1500 femmes qui seraient concernées. 25% d'entre elles sont des Françaises converties à l'Islam. Pas de quoi fouetter un chat ou d'y voir des signes de troubles à l'ordre public. A moins que le chef de l'Etat français, qui est en proie à une sévère crise de confiance de la part de ses compatriotes, ne veuille faire dans la diversion. Une pilule que ces derniers ne veulent pas avaler.