Si l'on se fie aux estimations des sondages, notamment ceux de vendredi, les jeux sont faits au profit de Nicolas Sarkozy. Mais il appartient aux urnes de départager aujourd'hui deux candidats qui ont tenu en haleine toute la France depuis plusieurs mois. Dénonçant les résultats des sondages d'opinion, qu'elle assimile à une manipulation des électeurs, la candidate socialiste, qui estime avoir encore une chance de l'emporter, refuse de laisser transparaître son inquiétude. Réagissant à toutes ces données lors de sa présence à Lorient dans le Morbihan, la prétendante du Parti socialiste lancera : “Faisons mentir tous ces sondages (...) relayés par les médias amis du pouvoir”, tout en fustigeant “l'arrogance” du “candidat du Medef et du CAC 40”, auquel elle a reproché de penser que “les carottes sont cuites”. En effet, l'écart entre les deux postulants a atteint dix points, selon le dernier sondage de BVA et Ipsos, rendu public dans la soirée du même jour, qui donnent 55% pour le candidat de la droite contre 45% à son adversaire socialiste. Pour l'Ifop et CSA, c'est 53%-47% et 54%-46% d'après Ipsos Dell, toujours en faveur du patron de l'UMP. Quant au débat télévisé de mercredi, Sarkozy est donné vainqueur pour 40% des sondés contre 26% pour Royal pour l'institut Ipsos. Dans l'entourage de Ségolène Royal, on enregistre le même son de cloche avec une multiplication des mises en cause des enquêtes d'opinion. Bien qu'ils laissent transparaître une certaine inquiétude, les proches de Ségolène Royal, à l'image de Julien Dray, le porte-parole du PS, tentent de mettre en valeur le score réalisé par leur candidate au premier tour. Ce dernier a, en effet, insisté sur le fait qu'il “suffisait de faire le total des voix au 1er tour pour se rendre compte où les choses allaient”, tout en rappelant que Sarkozy avait devancé Mme Royal de plus de cinq points le 22 avril. Julien Dray avait pour but d'assurer que “les choses ne sont pas totalement figées et acquises”. François Hollande, le premier secrétaire du PS, a exhorté quant à lui les électeurs à voter “massivement” pour le second tour, estimant que “la clé du scrutin, c'est la participation”. Ne restant pas de marbre aux attaques des socialistes, Nicolas Sarkozy voit dans cela “une forme d'intolérance préoccupante”. Il justifie le comportement de sa rivale par la peur de la défaite en déclarant : “Comme elle doit sentir que le sol se dérobe sous ses pieds, elle se tend, elle se raidit.” Il est allé jusqu'à affirmer : “Dans l'histoire de la Ve République, on n'a jamais entendu de propos aussi violents ni aussi menaçants.” Ceci étant, les deux postulants au palais de l'Elysée ont lancé leurs derniers appels du pied aux électeurs de François Bayrou au premier tour (18,57%), dont les reports pourraient bien constituer la clé de ce scrutin. Dans le but d'atténuer l'effet des sondages sur l'électorat, la loi française interdit leur publication, y compris les estimations du résultat jusqu'à dimanche 20h (18h GMT), heure de fermeture des derniers bureaux de vote. Les deux candidats sont aussi tenus de s'abstenir de toute déclaration publique pendant cette période. Après les 12 années de présidence de Jacques Chirac qui ont suivi 14 années de présidence du socialiste François Mitterrand, cette élection marquera un tournant dans la vie politique française avec l'arrivée d'une nouvelle génération de postulants au pouvoir. L'intérêt accordé par les vingt millions de Français, qui ont suivi le débat qui a mis aux prises mercredi dernier Sarkozy avec Royal, laisse penser que les électeurs auront leur mot à dire aujourd'hui, comme ce fut le cas au premier tour où le taux de participation avait atteint 84%, chose jamais arrivée en France depuis trente ans. K. ABDELKAMEL