«Il n'y a pas de mutation mortelle du virus, et un boycott du vaccin n'était pas prévu.» La polémique qui entoure le vaccin contre le virus de la grippe A/H1N1 prend de l'ampleur et les scandales font tache d'huile. Après avoir enfin reconnu que le virus de cette grippe n'a pas connu de mutation mortelle depuis le mois d'avril dernier, ne voilà-t-il pas que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avoue une autre vérité: il n'était pas dans ses prévisions que la vaccination serait boudée. En effet, Margaret Chan, directrice de cette prestigieuse institution onusienne, a reconnu lundi dernier devant le Conseil exécutif de l'OMS réuni à Genève, que «l'OMS n'avait pas prévu que les gens décideraient de ne pas se faire vacciner contre la grippe A/H1N1». S'empêtrant dans ses explications, elle a ajouté, mine de rien: «Nous avions prévu qu'il y aurait des problèmes pour produire des vaccins suffisamment et rapidement, et c'est bien ce qui s'est passé. Mais nous n'avions pas prévu que les gens décideraient de ne pas se faire vacciner.» Il est vrai que ces vaccins ont été produits en un temps record. C'est d'ailleurs là, l'un des facteurs qui ont mis la puce à l'oreille aux millions de personnes qui ont décidé de les boycotter. Pour la directrice de l'OMS, «les gens ont aujourd'hui accès à un large éventail de sources d'informations» et «l'époque où les responsables de la santé pouvaient donner leurs recommandations (...) et attendre que les populations s'y plient est sans doute révolue». Une accusation à peine voilée à l'encontre des médias qui ont largement rapporté les contestations et les doutes d'éminents scientifiques quant à l'efficacité et au potentiel risque de décès du vaccin, en cause. Tentant de justifier ce «manque de clairvoyance», Mme Chan a avancé qu'«une partie du problème vient de la grande différence entre ce qui était anticipé après avoir observé pendant si longtemps le virus mortel H5N1 (de la grippe aviaire), et ce qui est arrivé heureusement avec le H1N1 qui s'est montré relativement peu agressif». Ceci dit, la maladie semble sur le déclin dans l'hémisphère Nord. La semaine dernière, c'est le docteur Thierry Blanchon du réseau Sentinelles qui a affirmé que le virus H1N1 a pratiquement disparu en France métropolitaine. Toutefois, il ne serait pas avisé de faire des conclusions hâtives avant avril, lorsque la saison normale de la grippe prend fin. La directrice de l'OMS avertit, toutefois, qu'il est impossible de «prédire ce qui va se passer plus tard dans l'année, lorsque l'hémisphère Sud entrera dans sa saison grippale.» Les populations de nombreux pays développés de l'hémisphère Nord ont fortement boudé les programmes de vaccination. L'OMS qui, initialement, tablait sur un vaccin en deux injections, s'est trouvée face à une situation qu'elle n'avait pas auguré. De ce fait, de nombreux pays, notamment européens, confrontés à d'importants surplus, ont négocié des baisses importantes de commandes auprès des laboratoires pharmaceutiques. Outre la France, qui a annulé une commande de 50 millions de doses, l'Allemagne a proposé à l'Ukraine 2,2 millions de doses. Les Pays-Bas, après avoir commandé 34 millions de doses de vaccins, ont décidé fin novembre d'en revendre 19 millions. La Grande-Bretagne, l'Italie et l'Espagne, de leur côté, étudient toujours la possibilité de vendre leur excédent à d'autres pays et ce afin d'alléger la facture de la campagne de vaccination, surtout que des échos provenant de ces pays ont affirmé que les doses revendues le sont au prix de l'achat. L'Algérie, quant à elle, et par la voix de son ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière M.Saïd Barkat, a laissé entendre que l'importation du vaccin pourrait être suspendue, surtout que les pertes liées à la non-utilisation de ces vaccins seraient de l'ordre de 20 à 30%. Cependant, cette volte-face suscite la polémique, surtout après avoir dépensé des milliards de dollars. Les responsables des secteurs sanitaires dans plusieurs pays sont sévèrement vilipendés. Des voix se font entendre pour parler d'un «Virusgate» et ce, en évoquant les liens ambigus entre l'OMS, l'industrie pharmaceutique et les chercheurs universitaires. Des arguments qu'il est intéressant de mettre en perspective avec les déclarations récentes avancées par Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du Conseil de l'Europe. Ce dernier n'a pas hésité à mettre en avant le rôle joué par l'OMS et accuse les lobbies pharmaceutiques. Il a d'ailleurs obtenu le lancement d'une enquête de cette instance sur «le rôle joué par les laboratoires dans la campagne de panique autour du virus».