Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates a regretté hier que Washington ait, dans les années 1990, «abandonné» l'Afghanistan et «rompu» avec le Pakistan, une «grave erreur», ce qui a conduit à la montée en puissance des extrémistes musulmans dans la région, selon lui. Le chef du Pentagone s'exprimait devant la presse à Islamabad, où il est venu, selon son entourage, rassurer le Pakistan, allié-clé de Washington depuis fin 2001 dans sa «guerre contre le terrorisme», en proie à une vague extrêmement meurtrière d'attentats perpétrés par les taliban liés à Al Qaîda et où le sentiment anti-américain est très fort. De nombreux Pakistanais reprochent aux Etats-Unis d'avoir «importé» le terrorisme dans leur pays en poussant Al Qaîda de l'autre côté de la frontière après avoir chassé les taliban du pouvoir fin 2001, et d'avoir «abandonné» les deux pays dans les années 1990 après le départ de l'Armée rouge d'Afghanistan, en 1989. «J'étais au gouvernement au début des années 1990, quand la Russie a quitté la région et quand les Etats-Unis ont largement abandonné l'Afghanistan et rompu leurs liens militaires avec le Pakistan, une grave erreur due à une politique (...) bien intentionnée mais de courte vue», a déclaré M.Gates devant un parterre de militaires à l'Université militaire d'Islamabad. Les Etats-Unis avaient largement financé et armé les moudjahidine afghans dans leur insurrection contre l'armée soviétique dans les années 1980, par l'intermédiaire de l'armée et des services de renseignements pakistanais. Après le départ des Soviétiques, l'Afghanistan avait sombré dans la guerre civile jusqu'à l'arrivée des taliban au pouvoir en 1996 et Washington avait interrompu le financement des programmes militaires pakistanais parce qu'Islamabad s'activait pour se doter de l'arme nucléaire. «Cela a terni l'image des Etats-Unis au Pakistan» et préparé un terrain fertile pour la «propagande» des extrémistes musulmans, a-t-il reconnu.