Le général Larbi Belkheir est mort. Sa disparition ne peut pas passer inaperçue parce que, tout simplement, il a marqué de son empreinte indélébile la vie politique algérienne pendant un quart de siècle. Il était à la fois un grand général, mais surtout un brillant homme politique qui avait une perception toute particulière de sa mission au service de l'Etat dont il se glorifiait d'être le serviteur. La classe politique algérienne, dans son ensemble, sait à quel point son influence dans les hautes sphères de l'Etat a été décisive dans les moments les plus difficiles que le pays a traversés. Avec le Président Chadli, il a eu à gérer de nombreuses crises; que ce soit sur le plan intérieur ou avec notre voisinage politique, entre autres, la France, la Tunisie sous Bourguiba et sa succession politique, cela sans compter les efforts qu'il n'avait cessé de dépenser depuis le palais d'El Mouradia ou en qualité d'ambassadeur à Rabat pour bannir les démons de la discorde avec notre voisin de l'Ouest. C'était un homme de pouvoir mais aussi un Casanova de la politique. Il était un vrai démineur. En période de crise, il a su apporter, aux côtés des généraux Abbas Gheziel, Tewfik et Nezzar, toute l'imagination, la perspicacité et le courage politique pour prendre des décisions salutaires pour l'avenir de l'Algérie. Si sa disparition signe la fin d'une époque, l'Histoire lui saura gré ainsi qu'à tous ses compagnons, d'avoir barré la route aux aventuriers nourris à la mamelle de l'islamisme politique et contribué à restaurer la République. Le général Larbi Belkheir était un homme courtois. Cette qualité était pour lui un véritable sésame pour tisser des rapports de confiance avec la plupart de ses interlocuteurs qui ne manquaient pas à leur tour, de lui manifester estime et considération. Il avait un sens inné pour trancher les noeuds gordiens que lui réservait presque quotidiennement la vie politique algérienne. L'opposition politique trouvait en lui une oreille attentive et une disponibilité sans faille pour rechercher, toutes les fois qu'il était sollicité, une «sortie acceptable». C'était un partenaire loyal. Il était intransigeant lorsque les intérêts de l'Etat étaient susceptibles d'être remis en cause. Dans les moments de crise, il incarnait le rôle des missi dominici idéals quand il n'était perçu aussi, comme un antidote politique. Directeur de cabinet à la Présidence sous Chadli puis sous Bouteflika, il était le «Mazarin» de la République. C'était un personnage incontournable de la vie politique nationale. Ses détracteurs ne manqueront pas de lui imputer toutes leurs infortunes même quand il était totalement étranger au sort qui les frappait. Ce qui le fera réagir un jour par cette boutade restée célèbre: «Je suis le paillasson de la présidence de la République sur lequel tous les mécontents de la Terre viennent essuyer leurs pieds.» Qu'un ministre vienne à perdre son poste, qu'un ambassadeur soit rappelé ou qu'un wali soit démis de ses fonctions, l'inquisiteur a, pour ces déchus, un nom: le général Belkheir. Mais, pour la majorité des Algériens, il demeurera un homme d'Etat doté des meilleurs atouts pour servir utilement sa patrie. C'est ce qu'il a accompli le long de sa vie. Avec beaucoup d'efficacité. Ses compagnons d'armes et les cadres de ce pays reconnaissent en lui les qualités intrinsèques d'un homme d'honneur. Aujourd'hui, la patrie reconnaissante s'incline devant sa mémoire et salue l'intelligence et le brio qui l'ont toujours distingué des autres. Adieu, mon Général!