Oui, il aura été l'un des plus importants serviteurs de l'Etat. Pour s'en convaincre, il suffit de suivre les diverses fonctions qu'il a remplies Si Larbi Belkheir s'est éteint. Pour les étrangers qui ne le sauraient pas, le «Si» employé ici n'est ni l'adverbe ni la conjonction de la langue française. Il est cette particule que nous attribuons, dans notre société, à un être au-dessus du commun qui commande le respect. Si Larbi Belkheir était de son vivant, en effet, une personnalité qui n'avait rien de commun. Il ne laissait personne indifférent. Ni ses partisans ni ses adversaires. Même quand on n'a été ni l'un ni l'autre mais seulement un observateur de la vie politique du pays. Incontestablement, Si Larbi Belkheir aura été une personnalité marquante dans la vie de la nation. Plus particulièrement durant le dernier tiers de sa vie. Auparavant et après avoir rejoint très jeune (21 ans) les rangs de l'Armée de libération nationale, il poursuivra naturellement, une fois l'indépendance acquise, sa carrière militaire jusqu'au grade de Général-Major et sera l'un des artisans qui ont donné corps à l'Armée Nationale Populaire. Il en tirera très certainement et légitimement beaucoup de fierté de voir l'ANP former, durant la tragédie nationale, l'unique et solide barrage contre l'effondrement de la République et du pays. Ce n'est qu'au début des années 80 que Si Larbi Belkheir commence à être connu par l'opinion publique. Pour être objectif, disons que son nom commence à être connu. L'homme est plus un grand commis de l'Etat qu'un homme politique, bien qu'il occupât le poste sensible de ministre de l'Intérieur et à une période charnière du pays. A tel point que l'image qui restera de lui dans la mémoire collective est celle de son annonce des résultats du premier tour des législatives de décembre 1991. C'est le visage décomposé qu'il apparaîtra devant les caméras pour proclamer, avec courage, l'écrasante victoire des candidats de l'ex- FIS. Ceci pour l'homme de la rue. Pour les initiés ou supposés comme tels qui faisaient partie du sérail ou qui gravitaient autour, il en était tout autrement. Nombreux étaient ceux qui se vantaient d'appartenir à son cercle. A son réseau à vrai dire, car l'homme avait cette réputation d'avoir mis en place un système digne d'une puissante «ONG» politique. Un homme de réseaux tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, disaient de lui ses proches. Ce qui lui donnait une autorité certaine, bien que diffuse, auprès de bon nombre de responsables du pays. C'est dans ce rôle qu'il aura le mieux et le plus servi le pays. Oui, il aura été l'un des plus importants serviteurs de l'Etat. Pour s'en convaincre, il suffit de suivre les diverses fonctions qu'il a remplies. Nonobstant ses vingt années passées dans l'armée où il a occupé diverses hautes fonctions, il passe à la vie civile, pourrait-on dire en 1978. L'année du décès du Président Houari Boumedienne. Il dirigeait à l'époque l'école militaire, l'Enita où les plus importants dirigeants de l'armée se sont réunis pour décider de la succession du Chef de l'Etat. Mais le fait d'avoir été l'hôte de la réunion, ne signifie pas forcément, comme tentent de le faire croire ses adversaires, qu'il ait influé d'une manière ou d'une autre sur le choix qui a été fait, voire de savoir ce qui a été dit par les uns et les autres. Quoi qu'il en soit, le Président Chadli Bendjedid l'appelle dès le début de son mandat à la présidence pour lui confier le secrétariat général. Un poste qu'il devra quitter en 1985, pour être confié à M. Mouloud Hamrouche. Si Larbi Belkheir ne quitte cependant pas la présidence mais doit se contenter du poste de directeur de cabinet du Chef de l'Etat qu'il accepte sans rechigner. Il y restera jusqu'en octobre 1991 où il fut nommé ministre de l'Intérieur dans le gouvernement qui a succédé à celui de Hamrouche. Un «cadeau empoisonné» dans une Algérie en proie à de graves turbulences. Il l'accepte et c'est à lui que revient le triste privilège d'annoncer, quelques semaines plus tard, la fulgurante montée de l'ex-FIS au Parlement algérien (à l'époque il n'y avait qu'une seule chambre, celle des députés). Puis après une éclipse de plusieurs années, il revient aux affaires avec l'accession à la magistrature suprême du Président Abdelaziz Bouteflika. Il y reprend son poste de Secrétaire général. Jusqu'en 2005 où il est nommé ambassadeur au Maroc. Pour beaucoup, cela signifiait sa mise à l'écart. Or, la vraie raison peut se trouver ailleurs. Avant de rejoindre son poste à Rabat, Si Larbi Belkheir se rend en France pour un bilan médical comme l'a rapporté un journaliste du quotidien Le Monde dans son édition du 25 août 2005. Les premiers signes de la maladie qui vient de l'emporter. C'est une grande figure de notre histoire qui vient de nous quitter. Faute de n'avoir pas été de ses proches et pour ne pas nous contenter de rumeurs, nous utiliserons la règle infaillible du «Dis-moi qui sont tes ennemis, je te dirai qui tu es!». Résultat: Si Larbi Belkheir a consacré toute sa vie au service de l'Algérie et des Algériens. Nous venons de perdre l'un de nos plus grands patriotes.