C'est sans doute la première fois dans les annales du football national que les supporters de l'EN manifestent un tel attachement à leur équipe après une défaite. «C'était un traquenard!», crie Mourad. Sa voix rauque trahit une colère qui le ronge depuis la soirée du fameux match Algérie-Egypte. Après une nuit cauchemardesque, ce mordu du Nasria Hussein Dey (Nahd), se rend péniblement chez l'épicier du coin. La cité Mer et Soleil se réveille avec une gueule de bois. Les lendemains d'une défaite sont difficiles à digérer. Surtout quand celle-ci est injuste. Une brise maritime froide souffle sur les habitations d'Hussein Dey. La mer s'agite sur le littoral d'Alger. Elle gémit de douleur. Ses pleurs se répandent, des traits crispés sur les visages des habitants. Indignées, les mines ne sont point défaites, comme celle de Djamel. Lourd, son regard indique qu'il n'a pas eu le sommeil facile. «Je n'ai pas dormi de la nuit», avoue cet homme de 42 hivers révolus. Sous sa barbe de trois jours, il arrive, difficilement, à sourire. Les séquences du match, ou du non-match, Algérie-Egypte défilent devant ses yeux. «L'arbitre a été le douzième joueur égyptien sur le terrain», estime ce dernier. Cette appréciation fait sortir son ami Boussaâd de sa torpeur. «L'arbitre a sévi au moment où les nôtres commençaient à avoir l'ascendant sur les Egyptiens», fait remarquer ce jeune cadre de l'administration. Comme un éclair, cette remarque nous renvoie dans l'ambiance de la rencontre. Nous sommes à Benguela, en Angola. Le choc entre Fennecs et Pharaons se tiendra la nuit. A 20h30 tapantes, le feuilleton commence... A la 39e minute de jeu. L'arbitre béninois Codjia siffle un penalty en faveur de l'Egypte. Pis, Rafik Halliche est expulsé. L'axe central de la défense des Verts est à découvert. Assommés psychologiquement, les Fennecs voient leur schéma tactique voler en éclats. Le match bascule. La sélection nationale allait vivre une soirée infernale. «Il y avait conspiration pour faire gagner l'Egypte», déplore Aâmi Dahmane, au sortir du Café 45 de Kouba. La tête coiffée d'une chéchia blanche, ce vieillard natif de la Casbah est un fidèle supporter de la Sélection nationale. Il a encore en tête les prouesses de Lalmas, Kalem, Selmi. Ces derniers passent la balle à la triplette Madjer-Belloumi-Assad. A leur tour, ces artistes prolongent à Ziani and Co. «Certes, nous avons perdu ce match. Mais, nous avons gagné une équipe», assure le vieux routier. Un groupe de jeunes se trouve à proximité. A la vue du vieux, ils entonnent le fameux «One, two, three, viva l'Algérie». Aâmi Dahmane ne peut pas se retenir. Il se met à danser. Les jeunes adorent ça. Ils l'entourent. «Maâk y a l'Khadra, khasra oulla rabha», improvisent-ils. «Hakdak!» (C'est ce qu'il faut crier), lance une vieille femme au passage. Décidément, la génération Ziani a marqué de son empreinte les coeurs des Algériens. D'ailleurs, les Oranais étaient nombreux jeudi soir dans les rues à exprimer leur attachement à l'Equipe nationale. Plusieurs milliers de citoyens ont investi les rues et les places publiques, dans une ambiance de fête, pour renouveler avec fierté leur solidarité et leur compassion pour les hommes de Saâdane. Hommes, femmes et enfants, jeunes et vieux, tous ont accueilli la tête haute cette élimination scellée dans un contexte particulier. «Nous sommes éliminés d'une compétition qui manque de crédibilité, mais nous avons gagné une équipe jeune et un peuple civilisé», s'est félicitée Meriem, une jeune de 23 ans. «Mazal la Coupe du Monde, Mazal, mazal!», scandaient de leurs cotés des centaines de Constantinois sortis spontanément dans la rue après le coup de sifflet final de l'arbitre béninois, pour saluer les protégés de Saâdane. C'est sans doute la première fois dans les annales du football national que les supporters de l'EN manifestent un tel attachement à leur équipe après une défaite aussi cuisante, même si tristesse et déception se lisaient sur les visages des supporters des «Verts» issus de la communauté algérienne établie à l'étranger.