Des magistrats seront placés dans certains ministères et institutions économiques pour s'assurer que l'octroi de marchés publics se fait dans le respect de la loi. La décision est révolutionnaire! Le gouvernement a décidé de mettre les ministres sous contrôle de la justice dans le cadre de la lutte contre la corruption. La mesure a été annoncée jeudi, par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Dans une conférence de presse organisée au terme de la réunion au sommet de l'Alliance présidentielle, M.Ouyahia a révélé qu'une nouvelle commission de lutte contre la corruption sera mise en place prochainement. Elle sera composée de conseillers juridiques (magistrats) placés au niveau de certains ministères et institutions économiques. Leurs principales missions: «S'assurer que l'octroi de marchés publics se déroule dans le strict respect de la loi?» Ces magistrats disposent de larges prérogatives, parmi lesquelles, l'on citera la possibilité de saisir la justice. La décision soulève toutefois, plusieurs interrogations. Ouyahia n'a-t-il pas assez confiance en ses ministres, au point de décider de placer des magistrats (indépendants) pour s'assurer de la bonne gestion des marchés publics? L'on insiste sur le mot (indépendant) puisque, comme tout le monde le sait, le poste de conseiller juridique existe déjà au niveau de tous les départements ministériels. Mais le Premier ministre, instruit vraisemblablement par le président de la République, veut donner de nouvelles prérogatives à ses juristes. Il décide surtout d'opter pour de nouvelles têtes. Par ailleurs, M.Ouyahia a indiqué que l'arsenal juridique de lutte contre la corruption sera renforcé. Il rappellera, à cette occasion, que le chef de l'Etat a toujours insisté, dans ses différents discours depuis 1999, sur la nécessité de lutter contre le fléau de la corruption et sur la rationalisation dans les dépenses publiques. «L'Etat n'est pas surpris qu'une lutte contre la corruption soit actuellement menée et ceci n'est pas nouveau», a-t-il martelé. Cependant, Ouyahia a souligné que ces affaires de corruption sont prises en charge par la justice, ajoutant qu'«il n'est pas de tradition, dans le monde, de condamner les gens avant que la justice ne se prononce». Interrogé sur le scandale de Sonatrach, le conférencier aura cette réplique: «Et alors? Avant Sonatrach, il y avait le scandale de l'autoroute Est- Ouest!» «Il y a la présomption d'innocence» La lutte contre la corruption doit être menée, selon lui, en toute sérénité, indiquant qu'«il ne fallait pas attendre du gouvernement qu'il juge les personnes accusées de corruption à la place du juge, ou qu'il commande les affaires qui sont entre les mains de la justice». Pour le SG du RND, tant que la justice ne s'est pas prononcée, il y a présomption d'innocence dont bénéficie tout accusé. Sur une question de savoir si l'instruction judiciaire déclenchée au niveau de Sonatrach ne risque pas d'influer sur le rendement de la compagnie, M.Ouyahia a indiqué que depuis plus d'une semaine, trois importants permis ont été signés entre Sonatrach et trois compagnies étrangères. «L'Algérie ne tient pas à une personne», poursuit-il. Rappelons que dans leur communiqué final sanctionnant les travaux du sommet ordinaire de l'Alliance présidentielle, le FLN, le RND et le MSP ont souligné leur pleine adhésion à la directive du président de la République relative à la lutte contre la corruption, exhortant par ailleurs à «prémunir les cadres intègres contre toute atteinte et empêcher que les médias ne prononcent leur jugement avant celui de la Justice pour chaque enquête ouverte». Interrogé sur l'annulation de la visite en Algérie du ministre français des Affaires étrangères, M.Bernard Kouchner, M.Ouyahia a tenu à préciser que le report «n'était pas du fait de l'Algérie». Si M.Kouchner veut visiter l'Algérie, «il sera le bienvenu» et s'il décide le contraire, «c'est son affaire». Des relations normales avec la France Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), M.Ahmed Ouyahia, a affirmé qu'«il n'y a pas de crise dans les relations entre l'Algérie et la France». Il a souligné que les relations algéro-françaises «sont normales» et basées sur le volet commercial, la circulation des personnes et les relations de bon voisinage. Ouyahia refuse, néanmoins de parler de «relations exceptionnelles». «On ne peut parler d'un bond qualitatif dans les relations algéro-françaises, qui vise à les hisser à des relations à caractère spécifique, en l'absence de certaines conditions», a-t-il précisé tout en rappelant que 800.000 Algériens résidant en France étaient inscrits au niveau des consulats d'Algérie. Il a ajouté, dans ce contexte, que les mesures de contrôle spécifique au niveau des aéroports «n'ont pas été prises uniquement par les Etats-Unis», en allusion à la France, précisant que cela «ne s'inscrit pas en droite ligne du caractère exceptionnel des relations entre pays». Par ailleurs, M.Ouyahia a évoqué le débat en cours et des négociations sur la révision de la Convention sur les relations consulaires entre l'Algérie et la France, soulignant que l'amélioration des relations «nécessite d'apporter un jalon fondamental». S'exprimant sur les mesures spécifiques prises par les Etats-Unis qui classent l'Algérie sur une liste noire, M.Ouyahia a affirmé que «notre pays n'a aucun complexe pour appliquer les mesures de réciprocité». Il ajoutera que l'Algérie «suit» la question et «attend» ses développements avant d'agir «en conséquence». A une question sur les agitations dans le monde du travail, M.Ouyahia a accusé certaines parties «qui ont perdu des batailles sur la scène politique, de vouloir les transférer dans l'espace syndical». L'Egypte et la grippe porcine, ce sont les deux autres questions abordées dans la conférence de presse. Ouyahia a souligné que l'Algérie a décidé que la vaccination contre la grippe soit volontaire, de même qu'elle a décidé de réduire les quotas d'importation du vaccin de 20 à 5 millions de doses. Il a enfin précisé que le gouvernement ne prenait aucune décision concernant l'achat de médicaments et de vaccins sans consulter la commission d'experts mise en place au niveau du ministère de la Santé. «Cela ne se fait pas sur décision politique», a-t-il dit pour conclure. «L'Algérie ne pouvait se permettre de ne pas acheter le vaccin, notamment avec les informations qui courraient sur la propagation de la grippe porcine dans le monde.» A ceux qui ont reproché à l'Etat algérien de ne pas avoir répondu à l'Egypte, M.Ouyahia a répliqué qu'il «était très facile de verser dans l'invective» ajoutant «l'Egypte a des intérêts avec nous, et nous avons d'importants intérêts avec ce pays». Il précise que la présence de l'ambassadeur d'Algérie au Caire a démontré l'inutilité d'une démarche de médiation, à commencer par celle du secrétaire général de la Ligue arabe. Pour conclure ce chapitre, il précisera le fait que l'Algérie ne «présentera pas d'excuses à l'Egypte car il n'y a aucun motif à cela. Elle ne demandera pas non plus d'excuses.»