Dans un message, jeudi, à son homologue arménien, le président turc a assuré que les deux pays allaient «continuer d'avancer dans le processus de normalisation (...)» La Turquie et l'Arménie se renvoient la balle dans le blocage du processus de leur réconciliation, annoncé il y a cinq mois comme une percée historique, et dont l'avenir dépend aussi de Moscou et Washington. «L'accord est sur le point de s'effondrer», prévient l'universitaire américain David Philips, spécialiste de la région, faisant écho à des mises en garde semblables de Erevan. «Ce n'est pas l'impasse totale mais cela dépend aussi des Américains et de la Russie, pays allié de l'Arménie», estime pour sa part l'analyste turc Mehmet Ali Birand, du journal Hürriyet. Dans un message, jeudi, à son homologue arménien Serge Sarkissian, le président turc Abdullah Gül a assuré que les deux pays allaient «continuer d'avancer dans le processus de normalisation, suivant la conformité de vues à laquelle ils sont parvenus». La Turquie et l'Arménie ont signé en octobre 2009 deux protocoles prévoyant l'établissement de relations diplomatiques et la réouverture de leur frontière, qui doivent maintenant être ratifiés par leurs Parlements. Cette réconciliation, vivement encouragée par Washington et l'Union européenne (UE), favoriserait le développement économique de l'Arménie, avec l'ouverture de sa frontière turque, et serait un atout diplomatique pour la candidature d'Ankara à l'UE. Mais depuis cinq mois, le processus est en panne. Dans son message à M.Sarkissian, M.Gül a souligné, sans plus de précisions, la nécessaire «réciprocité» des objectifs, et l'importance du «respect total des engagements» pris par les deux pays. En visite à Londres la veille, le président arménien a quant à lui de nouveau renvoyé la balle dans le camp turc. Les parlementaires arméniens n'approuveront les protocoles qu'une fois que le Parlement turc aura donné «son feu vert», a-t-il prévenu, accusant à nouveau Ankara de blocage. La Turquie reproche à l'Arménie de remettre sur la table la question des massacres d'Arméniens par les Ottomans-turcs, pendant la Première guerre mondiale, qui constituent un génocide pour Erevan, terme que refuse Ankara. Les protocoles prévoient la création d'une sous-commission pour examiner cet épisode tragique qui divise depuis près d'un siècle les deux peuples. Mais la Cour constitutionnelle arménienne a jugé en janvier que ces documents ne pouvaient être lus comme entrant en contradiction avec la déclaration d'indépendance du pays qui fait référence au «génocide de 1915». David Philips souligne que la normalisation serait menacée par une adoption éventuelle, au Congrès américain le 24 avril, d'un texte reconnaissant un «génocide» arménien. Lâchée par son allié américain, la Turquie «trouverait justifié d'abandonner les protocoles», prévoit-il dans le Boston Globe. Erevan accuse pour sa part la Turquie de poser «des conditions préalables» à une réconciliation. Allusion au fait que le gouvernement turc a répété que les accords ne seraient pas ratifiés sans progrès sur le conflit concernant la région du Nagorny-Karabakh, qui oppose l'Arménie à l'Azerbaïdjan, proche allié d'Ankara. «Les Turcs n'enverront pas les protocoles au Parlement sans un pas en avant de l'Arménie sur le Nagorny Karabakh. Ils n'attendent pas une solution complète sur ce sujet mais un début de retrait des Arméniens de certaines positions au Nagorny-Karabakh», assure pour sa part M.Birand. A l'issue d'une guerre de six ans (1988-1994) qui a fait quelque 30.000 morts, des séparatistes arméniens, soutenus par Erevan, ont pris le contrôle du Nagorny-Karabakh, région à majorité arménienne enclavée en Azerbaïdjan. Aucun accord n'a depuis été conclu sur le statut de cette région.