Quelles conséquences cette libération surprise aura-t-elle sur les rapports diplomatiques entre le Mali et l'Algérie? Le trouble jeu de Bamako. Les quatre terroristes détenus au Mali ont été remis en liberté jeudi. La vie de l'otage français, Pierre Camatte, détenu par le redoutable émir d'Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), l'Algérien Abou Zeid, au Mali est-elle pour autant hors de danger? Rien n'est moins sûr même si des sources avancent qu'il devrait être libéré prochainement. Détenu depuis le 26 novembre 2009, Pierre Camatte devrait faire l'objet d'un échange de prisonniers. L'organisation terroriste Aqmi avait posé comme condition de sa libération celle de quatre islamistes arrêtés à Kidal avec des armes de guerre lors d'une patrouille militaire, en avril 2009, avant d¹être mis en détention dans différentes prisons maliennes. C'est ainsi que Mohamed Ben Ali, 31 ans, ex-employé des chemins de fer, Tayed Naïl, 29 ans, tous deux Algériens, Brin Ould Nafa, Mauritanien, 25 ans, sans profession, et Houd Karifo, 26 ans, Burkinabé, ont été jugés jeudi dans la discrétion totale et condamnés à 9 mois de prison pour uniquement «détention illégale d'armes de guerre», rapportent le quotidien malien L'Indépendant, seul organe à avoir assisté au procès. Peine couverte par leur détention, ce qui leur vaut une libération immédiate, à la veille de l'expiration, aujourd'hui, de l'ultimatum pour l'exécution de l'otage français. Les quatre membres d'Aqmi ont quitté la cour du tribunal pour une destination inconnue sous une bonne escorte militaire et la tête encagoulée. Aqmi retient actuellement six otages européens au nord du Mali. Outre le Français, cette branche d'Al Qaîda détient aussi trois Espagnols, capturés le 29 novembre en Mauritanie, et un couple d'Italiens, dont une femme d'origine burkinabée, kidnappés le 17 décembre, également en Mauritanie. Pour la libération de l'Italien, les ravisseurs ont exigé la libération de ces quatre islamistes détenus au Mali mais aussi des combattants détenus en Mauritanie. En agissant de la sorte, Bamako a trouvé la parade pour ménager le chou et la chèvre. Pour nombre d'observateurs, le verdict de ce procès ne peut être que la conséquence de fortes pressions exercées par Paris sur Bamako, matérialisées par deux visites de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères. D'ailleurs, lors de sa deuxième visite, Bernard Kouchner était accompagné de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, et plus proche collaborateur du président Nicolas Sarkozy. Pourtant, le président malien Amadou Toumani Touré semblait résister à la pression de Paris en renvoyant, par deux fois, Bernard Kouchner bredouille. En outre, Bamako semblait convaincu par les arguments d'Alger qui réclamait, d'une part, l'extradition de Mohamed Ben Ali, activement recherché pour divers actes de sabotage, perpétrés sur le sol algérien avant 2008, et a, d'autre part, déposé une motion contre le paiement de rançon pour la libération d'otages. C'est à se demander quels arguments a fait valoir Paris pour contraindre Bamako à agir de la sorte et à faire plier le président malien qui faisait valoir à juste raison, que céder au chantage ouvre toujours la voie à d'autres marchandages? Une chose est certaine, Alger, remontée contre les gouvernements occidentaux qui monnayent en millions d'euros la libération de leurs otages enlevés par le groupe terroriste, ne devrait pas rester les bras croisés et devrait le faire savoir à Bamako. Les relations diplomatiques entre les deux pays, tendues ces dernières années, risquent de s'assombrir pour ne pas dire frôler le pire. Dubitatifs devant la décision du tribunal, les Maliens regardent désormais avec circonspection du côté d'Alger. «Entre le marteau de Paris et l'enclume d'Alger», Amadou Toumani Touré a beaucoup plus craint le marteau parisien. Ainsi, en se soumettant aux terroristes, Bamako contribue directement au développement du terrorisme dans la région du Sahel. Otage français ou non, le président Amadou Toumani Touré s'est voué aux gémonies d'Alger.