Pour mesurer l'étendue de cette crise, il convient de relever que les envoyés du président Sarkozy n'ont pas été reçus par le Président Bouteflika. La visite inattendue hier à Alger du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, accompagné d'une forte délégation dont «Monsieur diplomatie», Jean-David Levitte, intervient au lendemain des déclarations du ministre français des Affaires étrangères, qualifiées par les observateurs de maladroites. Bernard Kouchner a suggéré, dans un entretien publié samedi par le Journal du Dimanche, le départ du pouvoir en Algérie pour que les relations entre Alger et Paris puissent se normaliser. Des propos qui ont provoqué un véritable pic de tension dans les rapports déjà tendus entre les deux pays. Une levée de boucliers s'en est suivie dans les médias algériens qui ont qualifié les propos du French Doctor d'ingérence dans les affaires internes de l'Algérie. Avec cette nouvelle tournure, le stade de la diplomatie feutrée est dépassé pour prendre des proportions inattendues et c'est l'Elysée qui se charge du dossier «Algérie» en lieu et place du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. En témoigne d'ailleurs, le panel de personnalités que le président français vient de dépêcher à Alger: le secrétaire général de la présidence de la République française, Claude Guéant, le conseiller diplomatique du président Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte, et le conseiller technique à la cellule diplomatique de la présidence de la République chargé de l'Afrique du Nord, du Proche et Moyen-Orient, Nicolas Galey. Cette visite non programmée atteste de la gravité de la crise et l'escalade verbale relevée dans les propos de M.Kouchner qui a annihilé les derniers espoirs d'un raffermissement des relations, plombées par l'accumulation de nombreux dossiers. L'affaire des moines de Tibhirine, la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme, le dossier du diplomate Hasseni, l'indemnisation des victimes des essais nucléaires dans le Sahara algérien et pour clôturer la liste, la France donne un coup de canif à la fierté algérienne en inscrivant le pays, qui a le plus combattu le terrorisme sur «une liste de pays à risque pour les transports aériens». D'autre part, pour mesurer l'étendue de cette crise, il convient de relever que les envoyés du président Sarkozy n'ont pas été reçus par le Président Bouteflika. C'est le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en compagnie du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, et du secrétaire général de la présidence de la République, Habba El Okbi, qui ont reçu la délégation française. C'est pour la première fois depuis l'Indépendance de l'Algérie en 1962, que la détérioration des relations a atteint ce niveau. En effet, jamais à ce stade depuis 35 ans quand, en 1975, Giscard d'Estaing, alors président de la République française, a pris fait et cause dans le dossier du Sahara occidental, en envoyant des avions de guerre au roi du Maroc Hassan II. Et l'éventualité que les relations atteignent un point de non-retour n'est pas à écarter, notamment quand Alger veut ouvrir les vannes de la mémoire avec la perspective du vote d'une loi criminalisant le colonialisme français. La coupe est pleine, il faut provoquer son débordement pour assainir les dossiers en suspens. «La démarche ira jusqu'au bout, sauf si la France accepte de cesser son offensive à l'égard de l'Algérie», explique un haut responsable algérien, selon le journal on line Tout sur l'Algérie. «L'affaire» des moines de Tibhirine relancée par les affabulations d'un général français. L'affaire du diplomate Hasseni, interpellé en France en 2008 et placé sous contrôle judiciaire dans l'enquête sur l'assassinat de l'avocat Ali Mecili en 1987 à Paris. Les analyses graphologiques se sont révélées négatives de même que les tests ADN. Alors que dans le cas de l'affaire Ben Barka, la justice française a ordonné la levée des mandats d'arrêt internationaux visant de hauts responsables marocains. De même que le non-lieu dont a bénéficié Rose Kabuye, la conseillère du président rwandais Paul Kagame. Elle a été accusée d'avoir participé au déclenchement du génocide tutsi en 1994. A cette liste, il faut ajouter la loi votée par l'Assemblée française le 23 février 2005 glorifiant les bienfaits de la colonisation. L'indemnisation des victimes des essais nucléaires au Sahara algérien non sans noter l'ire d'Alger sur les dernières visites effectuées par Kouchner au Mali. Le chef de la diplomatie française aurait négocié pour libérer les otages français. Cela intervient au moment où la communauté internationale est sur le point de voter une loi proposée par l'Algérie interdisant le versement de rançon aux terroristes. Qui recollera les morceaux de ces relations brisées? Les deux chefs d'Etat, algérien et français, pourraient-ils rétablir les faits puisqu'ils doivent se rencontrer en juin prochain à Paris à l'occasion d'une visite officielle de Bouteflika en France?