L'Espagne, qui exerce la présidence tournante de l'UE, n'a pas caché sa «préoccupation» du fait de l'utilisation par des membres présumés d'un commando israélien de passeports européens. L'Union européenne s'est déclarée «extrêmement préoccupée» hier par l'utilisation de passeports européens par des membres présumés du commando qui a assassiné un responsable du Hamas à Dubaï, augmentant la pression sur Israël, commanditaire supposé de l'opération. «Nous sommes extrêmement préoccupés que des passeports européens, qui sont des documents légaux rigoureux, aient pu être utilisés à des fins différentes de leur usage» normal, a déclaré à la presse le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE. Il s'exprimait devant la presse avant une réunion avec ses homologues de l'UE à Bruxelles. «Nous allons en discuter et j'espère qu'il y aura un communiqué exprimant l'inquiétude (des Européens) à ce sujet», a dit M.Moratinos. Le ministre espagnol devait aussi s'entretenir avec le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, en visite à Bruxelles, alors que le service secret israélien, le Mossad, est soupçonné d'avoir assassiné à Dubaï un cadre de la branche armée du mouvement islamiste palestinien Hamas. Prévue de longue date, la visite hier à Bruxelles du ministre israélien intervient à un moment délicat, marqué par une tension dans les relations entre son pays et plusieurs pays de l'UE. Londres, Dublin, Berlin et Paris ont haussé le ton la semaine dernière, en vain pour le moment, face à Israël auquel ils réclament des explications dans l'affaire des passeports. Selon la police de Dubaï, des membres du commando qui a assassiné l'un des fondateurs de la branche armée du Hamas, Mahmoud Al-Mabhouh, retrouvé mort le 20 janvier dans un hôtel, détenaient des passeports britanniques, irlandais, français et allemand. A ses yeux, il ne fait guère de doute que le Mossad est derrière ce meurtre. Le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband, ainsi que son homologue irlandais Micheal Martin, ont également prévu de rencontrer M.Lieberman à Bruxelles pour demander des explications. Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, qui représente Paris à cette réunion en l'absence de Bernard Kouchner, n'a pas prévu de rencontrer le chef de la diplomatie israélienne mais a jugé «inadmissible et pas très amical» l'utilisation de passeports européens pour couvrir un tel assassinat. Son homologue allemand, Werner Hoyer, lui a fait écho en jugeant cette affaire «très inquiétante». Le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt a renchéri en jugeant que «le détournement de passeports européens ne peut être toléré», tout comme son collègue luxembourgeois Jean Asselborn, qui a en outre dénoncé vigoureusement le meurtre en tant que tel du responsable du Hamas. «Ce sont des actes qui n'ont plus leur place au XXIe siècle», a ainsi estimé le responsable de la diplomatie luxembourgeoise. Du côté israélien, on dément toute responsabilité. Il «n'y a aucune raison de penser qu'il s'agissait du Mossad israélien et pas des services secrets d'autres pays en train de faire des bêtises», a expliqué M.Lieberman dans un journal israélien. La Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, la Britannique Catherine Ashton, a fait profil bas hier matin sur ce sujet, préférant s'en tenir au programme officiel de la réunion des ministres européens: Haïti, Iran, Ukraine. Elle devait cependant partager un dîner lundi soir avec M.Lieberman mais, a insisté un responsable européen, la question des passeports ne figurera pas au menu de leurs discussions.