Sa diplomatie ayant échoué dans l'apaisement des tensions avec Alger, Paris tente de rattraper le coup pour reconquérir un terrain où il est en perte de vitesse. Le malaise entre Alger et Paris se manifeste involontairement. Des hauts responsables politiques français ont fini par cracher le morceau. «Les relations sont difficiles et tendues entre les deux pays», «les relations sont complexes», «le dialogue s'est interrompu», «les deux pays sont fâchés», s'accordent à dire les promoteurs de la diplomatie française, chargés du dossier Algérie. Cette situation inquiète au plus haut point les états-majors de l'Elysée. Les responsables ne cachent plus leurs frustrations devant la crise qui gagne davantage de terrain. L'envoi de l'émissaire du président Sarkozy à Alger est un signe qui ne trompe pas sur le malaise qui embarrasse l'Elysée. «Nous sommes vraiment inquiets de la dégradation des relations diplomatiques entre les deux pays», confie un haut responsable au niveau de la hiérarchie française. Surpris par la tournure des événements, les responsables français paniquent. L'attitude affichée par Alger est loin d'être de bon augure quant à un prochain apaisement. Le devoir de mémoire, la liste des pays à risque, l'affaire des moines de Tibhirine sont autant de dossiers qui minent les relations algéro-françaises. Les dernières déclarations du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, sur la repentance, ont jeté de l'huile sur le feu. Le déplacement à Alger de Bernard Kouchner, en mars prochain, risque de connaître un autre report. Prévue initialement en janvier dernier, la visite a été annulée. Pourquoi? Paris endosse la responsabilité à Alger. «Je confirme que c'est Alger qui ne veut pas recevoir le ministre des Affaires étrangères qui tient beaucoup à ce déplacement», lâche un responsable proche du dossier. Ce diplomate a également avancé la version française sur plusieurs questions restées en suspens. Le classement de l'Algérie n'était pas nouveau «Je comprends parfaitement que cette liste a beaucoup choqué, mais il faut essayer de ramener à sa juste mesure ce qui s'est passé. Ce n'est pas une liste qui stigmatise l'Algérie ou les Algériens, mais elle concerne toutes les personnes qui voyagent à bord des compagnies algériennes. Cette liste a été élaborée il y a un an», explique le même responsable. Aiguisant ses arguments, ce responsable affirme qu'«il ne s'agit pas de demander aux Algériens de se déshabiller ou de subir de nouvelles mesures de contrôle, mais de fournir des informations détaillées sur la personne». Il persiste et signe que l'idée n'était pas de taxer l'Algérie de pays de terroristes. De ce fait, la France devrait revoir son système de communication car c'est mal expliqué. «Nous avons une responsabilité dans cette situation», a-t-il reconnu en précisant que la compagnie algérienne coopérait depuis février 2009 à ce dispositif qui existe depuis 2005. «Ce qui a irrité beaucoup plus l'Algérie était le fait que le Maroc ne figure pas dans cette liste», constate notre interlocuteur. Ce dernier révèle que cette liste n'a pas été définitivement arrêtée. «Il y aura au moins 30 pays qui seront introduits», a-t-il précisé. La hantise de la loi criminalisant le colonialisme La proposition de loi déposée par les députés du FLN fait trembler les politiques français. «Son adoption risque sérieusement d'affecter nos relations bilatérales», avise ce responsable. «Ce serait évidement inquiétant», estime-t-il en cas d'éventuelle adoption. Si ce projet passe, un problème bilatéral important se posera. Mais, pour l'instant, du côté de Paris, on fait confiance à la sagesse du gouvernement algérien. Cette proposition risque de provoquer des réactions politiques violentes que le gouvernement français condamnera. Notre interlocuteur n'écarte pas une réaction violente du Parlement et de l'opinion publique. Il a rappelé d'ailleurs que lors de la signature de la convention d'amitié algéro-française par l'Assemblée française, des députés ont haussé le ton pour dénoncer le principe de cette proposition. Or, les politiques français ont tendance à oublier que la décision des députés algériens n'est qu'une réplique à une provocation lancée en 2005 par les députés français. Notre interlocuteur de souligner que Bernard Kouchner devra, lors de sa visite prochainement en Algérie préciser que le message à transmettre, est de sortir de cette spirale et de la politique du tac au tac en faisant référence à la loi du 23 février 2005 qui glorifie l'action positive du colonialisme. Cependant, il y a lieu de signaler que l'article 4 de la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme a été abrogé. Même si elle est au stade primaire, la proposition du FLN fait parler beaucoup d'elle en France et dans les milieux politiques. La France réclame la réciprocité dans l'accord de 1968 Les négociations sur l'accord de 1968 sont à un stade avancé. «Nous avons entamé les discussions sur ce dossier qui sera parmi les questions prioritaires à inscrire à la prochaine visite du ministre des Affaires étrangères en Algérie, prévue pour le mois de mars prochain», avance un responsable qui suit le dossier. Ce dernier ne dissimule pas les difficultés rencontrées pour cerner les positions. «L'objectif est dérogatoire et de droit commun envers les Algériens.» Concernant le statut des Français en Algérie, notre responsable indique qu'il n'y a aucune disposition qui existe dans l'accord. Se voulant plus explicite, notre interlocuteur a fait part du souhait de la France d'établir le principe de réciprocité. Elle dit niet à l'acte de repentance «Il n'y a aucune chance pour que le modèle de l'Italie et la Libye soit appliqué pour la France», déclare avec détermination un haut responsable diplomatique. Irrité par nos sollicitations sur l'acte de repentance, notre interlocuteur affirme que cela est hors de question. Cependant, il se dit favorable pour l'option franco-allemande. Pour ce diplomate, l'Allemagne n'a jamais demandé des excuses, mais cela n'a pas empêché les deux peuples d'ouvrir une nouvelle page. Même si la France refuse de s'excuser sur ses crimes commis contre les Algériens, il souligne qu'elle a fait beaucoup de gestes envers Alger. Et de rappeler dans ce sens, le discours du président Sarkozy lors de sa visite en 2007 en Algérie où il a condamné les crimes. La France refuse l'option de l'indépendance du Sahara occidental La France ne croit pas à l'idée de l'indépendance d'un Sahara et elle refuse sciemment cette solution. «Nous ne croyons pas à la possibilité d'un Sahara occidental indépendant», confie un responsable diplomatique. Pour étayer ses ces propos, ce même diplomate soutiendra que cette perspective déstabiliserait la région. Selon lui, le compromis se fera dans le cadre de l'autonomie proposée par le Maroc. «Le plus surprenant dans ce dossier est le fait qu'il est un théâtre d'ombres depuis longtemps entre l'Algérie, le Maroc et le Polisario», s'est-il exclamé. Cependant, il reconnaît le droit à l'Algérie d'aider le Polisario. «Nous essayons de promouvoir le choix de l'autonomie, c'est le choix qui convient le plus», affiche-t-il. Notre interlocuteur explique que le problème est d'arriver à trouver le meilleur dialogue avec l'Algérie, à condition qu'il soit franc. «J'accepte le reproche que la France se cache derrière l'ONU. L'Algérie est une partie de ce conflit et à l'évidence, elle doit participer aux négociations.» Ainsi, la France invite indirectement Alger à s'impliquer dans ce conflit. Interrogé sur le processus que mène Christopher Ross, le diplomate avoue qu'il ne croit même pas à ce processus. «Si M.Ross réussit sa mission, je dirai chapeau», a-t-il déclaré sur un air ironique. Les propos de ce diplomate traduisent clairement la position officielle de la France vis-à-vis du Sahara occidental.