Les Shebab qui contrôlent la plus grande partie du centre et du sud du pays reprochent notamment à l'aide apportée par l'agence onusienne de désavantager les agriculteurs locaux. Les islamistes shebab ont interdit hier la distribution d'aide du Programme alimentaire mondial (PAM) en Somalie, au risque d'aggraver la situation humanitaire de ce pays, déjà la plus alarmante de toute la Corne de l'Afrique. Le mouvement shebab, qui contrôle la plus grande partie du centre et du sud de la Somalie, reproche, notamment à l'aide apportée par l'agence onusienne de désavantager les agriculteurs locaux et d'être politiquement motivée. «Etant donné les problèmes causés par l'aide alimentaire distribuée par le Programme alimentaire mondial, le mouvement des Shebab Al-Mujahideen a interdit les activités de cette agence en Somalie de façon générale, à compter d'aujourd'hui», indique un communiqué diffusé hier par le département d'information du mouvement islamiste, qui se réclame d'Al Qaîda. «Nous avons déjà donné l'occasion (à cette agence) d'opérer en Somalie, mais elle n'a pas rempli les conditions que nous avions avancées. Aussi, avons-nous totalement interdit les opérations du PAM en Somalie», a indiqué un haut responsable des shebab à Mogadiscio sous couvert de l'anonymat, confirmant l'authenticité du communiqué. Un porte-parole du PAM a déclaré ne pas avoir de commentaire à faire à ce stade. Le Programme alimentaire mondial avait déjà été contraint d'annoncer, début janvier la suspension de ses activités dans le sud de la Somalie, dénonçant la multiplication des «attaques et menaces» dont il était victime. Le PAM avait alors cependant ajouté qu'il continuait à fournir une assistance alimentaire à 1,8 million de personnes dans le reste du pays et notamment dans la capitale Mogadiscio, contrôlés en majorité par les shebab, soit deux tiers des personnes visées par ses programmes. La Somalie «est sans doute le pays de la Corne de l'Afrique aux besoins humanitaires les plus grands, notamment en matière d'aide alimentaire», estime le PAM sur son site Internet. Ce pays ravagé par la guerre civile depuis 1991 «était confronté en août dernier à sa pire crise humanitaire depuis la famine de 1991-1992, avec 3,64 millions de personnes, soit la moitié de la population, ayant besoin d'une aide extérieure», selon l'agence onusienne. Mais dans leur communiqué, les shebab affirment avoir été saisis de plaintes d'agriculteurs somaliens estimant que la quantité d'aide alimentaire apportée par le PAM les empêchaient de vendre leur propre production à un bon prix. Les islamistes accusent également le PAM de distribuer de la nourriture dont la date de péremption a expiré, assurent que cette aide a propagé des maladies dans le pays, et qu'elle constitue un soutien déguisé aux formations pro-gouvernementales qu'ils combattent. «Les gens sous contrat travaillant avec le PAM doivent s'abstenir de le faire, faute de quoi quiconque travaillant avec cette agence sera considéré comme servant ses intérêts», prévient le communiqué. Début janvier, le PAM avait insisté au contraire sur son rôle «impartial et non politique», s'inquiétant que «les attaques récentes, les menaces, le harcèlement et les exigences financières des groupes armés (...) rendaient virtuellement impossible l'accès à près d'un million de personnes vulnérables». En novembre, les shebab avaient annoncé la mise en oeuvre dans leur fief de Bay et Bakool, au nord-ouest de Mogadiscio, d'une nouvelle réglementation imposant «onze conditions» aux ONG et agences de l'ONU. Ils exigeaient, notamment que les humanitaires cessent d'«interférer avec la religion islamique», qu'ils licencient leurs personnels féminins et qu'ils paient tous les six mois «une taxe» d'au moins 20.000 dollars.