Nominé 13 fois, le polar de Jacques Audiard, en lice pour l'Oscar du meilleur film étranger décerné à Hollywood le 7 mars prochain, a triomphé haut la main. La France des couleurs a brillé samedi dernier lors de la soirée de la 35e édition des Césars en direct du théâtre du Chatelet de Paris, en France. Sans grande surprise Un Prophète, le flamboyant film-choc sur l'univers carcéral, signé par Jacques Audiard, a triomphé - le moins que l'on puisse dire - remportant neuf Prix, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Lauréat du Grand Prix à Cannes et en lice pour l'Oscar du meilleur film étranger qui sera décerné à Hollywood le 7 mars, ce polar qui a fait plus de 2 millions d'entrées dans les salles depuis sa sortie, fin août, a aussi été primé pour son scénario, une récompense partagée entre Jacques Audiard et ses coscénaristes Abdel Raouf Dafri, Nicolas Peufaillit et Thomas Bidegain. La photo, le montage, les décors de Un Prophète aussi ont été récompensés. Ce terrible long métrage - qui ne raconte pas des choses gaies comme pour paraphraser la monteuse du film -, met en scène les aventures coups de poing de Malik El Djebena, héros malgré lui, sur lequel se referment les portes de la prison. Illettré, sans famille, il est une page vierge où vont s'inscrire les codes brutaux de l'univers carcéral. Il devient pourtant un vrai malfrat sous la protection des prisonniers corses qui font la loi en prison. Réalisé à l'américaine, cascades et caméra saccadée Un Prophète donne aussi à voir l'univers cruel des prisonniers partagés entre le deal de drogue et ses hommes pieux aux qamis, qui passent leur temps à la mosquée, ou à apprendre à lire l'arabe...Mais entre les deux, tout un monde et Malik El Djebana tente de survivre dans cette jungle où il apprendra à composer et même à recomposer ses règles. Treize fois nommé, Un Prophète partait largement favori, quatre ans après le précédent triomphe d'Audiard aux Césars 2006 où son film De battre, mon coeur s'est arrêté avec Romain Duris, avait raflé huit statuettes, dont celles de meilleur film et du meilleur réalisateur. Pour sa part, Niels Arestrup, interprétant le malfrat corse dans Un Prophète, a obtenu le César du meilleur acteur dans un second rôle. Il remerciera le cinéaste Jacques Audiard «pour tout ce sang neuf (qu'il) propose dans le cinéma français, c'est important et réjouissant». Placé sous le signe de l'amour et de la liberté de créativité, comme l'a fait remarquer la présidente de la cérémonie, Marion Cotillard, belle, gracieuse et élégante dans sa longue robe beige pailletée, la soirée s'est caractérisée aussi par une certaine liberté de ton et d'expression. Emporté par l'euphorie, Abdel Raouf Dafri recevant le trophée du meilleur scénario s'est un peu lâché vers la fin en ayant recours à sa langue maternelle et remerciant ainsi sa mère d'exister, par un double et touchant «Ayechek yemma!». Le réalisateur Jacques Audiard, profitant de la tribune qui lui était offerte, exhortera - devant le ministre de la Culture - les autorités à se pencher de plus près sur le cas du collectif des cinéastes sans papiers. Son jeune acteur Tahar Rahim, 28 ans, Français d'origine algérienne, qui n'en revenait pas, a empoché un double Prix celui du meilleur espoir masculin et du meilleur acteur. Devant cet «impossible devenu possible» il remerciera en passant «la France du cinéma français». Une autre actrice dont on connaît les origines kabyles, s'est distingué sur les planches du théâtre du Chatelet en plaidant pour son engagement en faveur de ce «petit film» dont personne ne voulait et qu'elle a pris à bras-le-corps. Il s'agit de la belle Isabelle Adjani qui remportera le Prix de la meilleure actrice féminine. Et de remercier son producteur de l'avoir fait jouer dans ce film qui a permis de rendre, dira-t-elle, «plus humaine l'image de l'école française». Isabelle Adjani n'omettra pas non plus de relever les noms de Diams et de Zidane dans ses mots de remerciements. Avec La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld, Isabelle Adjani obtient ainsi son cinquième César. «Cinq dans les yeux des jaloux!» Avec de l'humour cette fois, ont été mis en brèche les absurdités du débat sur l'identité nationale chères à Eric Besson grâce aux deux maîtres de cérémonie déjantés, à savoir, Valérie le Mercier et Gad El Maleh, à travers un sketch déluré. Du côté des nouveaux talents, Mélanie Thierry, 29 ans, a été sacrée meilleur espoir féminin tandis que l'auteur de BD Riad Sattouf recevait le Prix du meilleur premier film avec les portraits d'adolescents de Ses Beaux gosses. L'Américain Clint Eastwood a reçu le Prix du meilleur film étranger avec Gran Torino, remis à l'auteur de la musique originale, son fils, le musicien Kyle Eastwood. Outre l'hommage appuyé rendu au grand réalisateur français Eric Rhomer, un César d'honneur pour sa longue et riche carrière a été rendu à «Indy» alias Harrison Ford.