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Rabat prend Paris à témoin
REOUVERTURE DES FRONTIÈRES ALGERO-MAROCAINES
Publié dans L'Expression le 01 - 03 - 2010

La situation au Maghreb a été au coeur des entretiens entre le ministre marocain des Affaires étrangères et le groupe d'amitié France-Maroc constitué de quelques députés français.
Le moment est vraiment mal choisi et le partenaire aussi. Remettre sur le tapis des questions qui ont été tranchées depuis belle lurette, relève d'une initiative qui n'a pour but, que de brasser de l'air. Une maladresse de plus. La diplomatie marocaine semble avoir la tête dans les étoiles. L'Algérie a d'autres chats à fouetter. La France est certainement le dernier des pays à solliciter en ce moment pour jouer les bons offices entre Alger et une quelconque autre capitale étrangère qui serait en manque de délicatesse avec des positions de principe adoptées par l'Algérie, il y a déjà fort longtemps. A l'issue des entretiens qu'il a eus avec la délégation de parlementaires français, qui, il faut le signaler, soutiennent le plan de large autonomie marocain pour le Sahara occidental, le chef de la diplomatie marocaine, Taïeb Fassi Fihri, a confié, lors d'un point de presse qu'il a tenu vendredi, que ses interlocuteurs ont regretté que «le Maghreb arabe soit dispersé». Il devait entamer l'édification d'un «marché commun intégré, saisir les opportunités économiques et travailler de concert pour lutter contre le terrorisme et relever les défis sécuritaires dans la région», auraient ajouté les élus français, a rapporté Taïeb Fassi Fihri dans une dépêche répercutée par l'agence officielle du royaume, MAP. C'est l'hôpital qui se moque de la charité! La délégation de parlementaires français, emmenée par Jean Roatta, membre de l'UMP (dont est issu le président Nicolas Sarkozy), est membre de la commission des affaires étrangères au Palais Bourbon. A-t-il déjà oublié que Pierre Camatte, l'otage français détenu par la branche d'Al Qaîda au Maghreb, a été libéré contre la libération de quatre des siens (Aqmi) emprisonnés au Mali? Parmi eux figuraient deux Algériens. Les terroristes ont fait plier Paris. Et ce n'est sans doute pas de cette façon que les pays de la région pourront lutter efficacement contre ce fléau. Est-ce une façon de «remercier» les Algériens pour leur lutte héroïque contre le terrorisme islamiste ou tout simplement une réponse à la levée de boucliers qui a sanctionné les propos inconvenants de Bernard Kouchner? Le chef de la diplomatie française avait déclaré, il y a quelques jours, que les relations entre Paris et Alger deviendraient plus simples après le départ de la génération de l'Indépendance au pouvoir. Ce qui n'a fait que mettre un peu plus d'huile sur le feu et rendre encore plus difficiles des rapports politiques rendus très tendus par l'affaire du diplomate Hasseni, celle des moines de Tibhirine et la décision unilatérale de faire figurer l'Algérie sur une liste noire de «pays à risques terroristes». La liste pourrait être plus longue si on rajoutait, à titre d'exemple, la question du Sahara occidental. Dans une opération de lobbying initiée par l'ex-ambassadeur marocain à Paris, Fathallah Sijilmassi, voici ce qu'écrivait, le 29 mai 2008, Jean Roatta à ses collègues de l'Assemblée nationale française pour les rallier au projet marocain: «Cher ami, vous trouverez en pièce jointe une note explicative de la démarche marocaine qui, j'espère, recueillera votre assentiment. Vous pouvez témoigner de votre soutien à cette proposition en retournant le coupon-réponse ci-joint.» Le député français qui est aussi président du groupe parlementaire français d'amitié avec le Maroc ne pouvait ignorer la position algérienne concernant la décolonisation du Sahara occidental. Le Maroc de son côté, semble faire fi des relations très tendues entre Paris et Alger et ne veut voir que ses intérêts. Il réclame à cor et à cri l'ouverture des frontières terrestres, qu'il a contribué à fermer entre les deux pays. «Sa Majesté le roi Mohammed VI, est prêt à ouvrir de nouveaux horizons avec l'Algérie. Nous l'avons prouvé plusieurs fois et nous sommes disposés à nous entretenir avec nos frères Algériens dans une vision qui sert les intérêts des deux peuples et de toute la région», a fait remarquer le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, comme s'il voulait prendre à témoin ses interlocuteurs français et attester de sa bonne foi. Le Maroc a-t-il besoin d'un coup de pouce de la France pour aplanir ses différends dans la région? En ce qui concerne la question du Sahara occidental, il doit passer par des négociations franches avec le Front Polisario et la tenue d'un référendum qui garantisse le droit au peuple sahraoui de décider librement de son avenir. Pour ce qu'il est de l'Algérie, les choses sont claires et la France n'y pourra rien. Les relations entre la France et le Maroc «sont exceptionnelles», a souligné Taïeb Fassi Fihri. C'est certainement parce que le Maroc n'a pas un passif de 132 années de colonisation féroce à solder avec l'ex-puissance colonisatrice au Maghreb ni une guerre d'indépendance qui a coûté 1,5 million de martyrs. C'est toute la différence entre l'Algérie et le Royaume alaouite.

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