Dans un message de solidarité, à l'occasion du dernier séisme de Laâlam, le président français a réaffirmé son engagement à concrétiser le “projet commun de traité d'amitié consacrant un partenariat d'exception entre l'Algérie et la France”. “Je souhaite que nous puissions nous entretenir sur la façon de mener à bonne fin cette grande entreprise”, écrit encore Jacques Chirac. C'est au moment où les interrogations sur le devenir du traité d'amitié entre l'Algérie et la France se font de plus en plus insistantes que le président français, Jacques Chirac, a renouvelé à son “très cher ami”, Abdelaziz Bouteflika, toute sa disponibilité à donner un coup de fouet à ce grand projet commun qui, il faut bien l'admettre, bat vraiment de l'aile. “De mon côté, je demeure engagé dans notre projet commun de traité d'amitié consacrant notre partenariat d'exception. Dès que les circonstances vous le permettront, je souhaite que nous puissions nous entretenir sur la façon de mener à bonne fin cette grande entreprise”, écrit Jacques Chirac dans un message de compassion envoyé, jeudi, au président Bouteflika suite au séisme qui a frappé, lundi dernier, la localité de Laâlam, à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Béjaïa. En apparence, par ce second message — le premier datait du 4 janvier — Jacques Chirac veut peut-être prendre à témoin l'opinion publique des deux pays quant à ses bonnes dispositions/, à aller de l'avant. En estampillant son message d'un “de mon côté” assez tape-à-l'œil, le président français suggère assez habilement que les blocages sont à mettre sur le compte de la partie algérienne. En apparence aussi, l'on peut subodorer que Chirac a vu dans les dernières déclarations du ministre algérien des affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, un geste assez probant quant à la volonté des algériens de donner corps à ce traité qui prend, de plus en plus, l'allure d'une véritable arlésienne. Dans un entretien accordé le 20 mars à l'APS, M. Bedjaoui avait affirmé, en effet, qu'avec le déclassement par le Conseil constitutionnel français du fameux article 4 de la loi du 23 février, les relations algéro-françaises “devraient reprendre désormais leur cours normal” et le traité d'amitié “est toujours à l'ordre du jour”. Une déclaration aussi importante ne pouvait, à l'évidence, être faite sans l'aval de Bouteflika, le président français ayant peut-être décelé une meilleure disponibilité chez son vis-à-vis algérien à donner suite à ses pressantes sollicitations. Si de telles considérations ont peu ou prou pesé dans la décision de Chirac à relancer Bouteflika sur la signature du traité d'amitié prévue pourtant pour fin décembre 2005, il est toutefois fort à parier qu'elle est sous-tendue par des motivations autrement plus profondes. C'est une lapalissade de dire que l'accord militaire, signé avec la Russie, a suscité les inquiétudes les plus folles auprès des européens mais aussi des américains. Quatre jours à peine après le crochet algérois du président Poutine, ces derniers s'étaient mis en devoir de dépêcher un émissaire à Alger pour s'enquérir de la teneur de ce “contrat du siècle” non sans faire part aux algériens d'une offre de vente d'armes qui ne dit pas son nom. “Rien de spécifique ne nous a été demandé et si cela devait arriver, nous serions disposés à étudier la question quant au fond et nous y répondrons au cas par cas”, avait déclaré, le 14 mars à Alger, le sous-secrétaire d'Etat adjoint américain, M. C. David Welch. Côté français, c'est le quotidien Le Monde, réputé proche de l'Elysée, qui exprime le mieux cette appréhension toute française à voir l'Algérie devenir une véritable force régionale. S'appuyant sur des analyses de spécialistes, le quotidien du soir tente d'accréditer la thèse que l'accord militaire algéro-russe, assorti d'une clause secrète à même de doter à terme l'Algérie d'une centaine d'avions de combat dernière génération, est de nature à remettre en question “l'équilibre stratégique au Maghreb”. “Ces livraisons d'armement, qui pourraient être achevées d'ici à 2009, ont de quoi inquiéter le Maroc et la Libye”, écrivait le journal de Jean-Marie Colombani, en ajoutant que “l'Algérie a manifestement pour objectif de revendiquer un leadership au Maghreb”. Pourtant, aucun pays maghrébin — hormis les marocains peut-être qui, depuis la conclusion de cet accord, ont quelque peu perdu la voix — n'a officiellement, du moins, fait part de son appréhension quant au “surarmement” de leur grand voisin. Il est vrai que la France s'est toujours sentie en devoir d'être aux petits soins avec le Maroc, son allié traditionnel. en fait, la France de Jacques Chirac a plutôt peur pour ses propres intérêts qui, à la faveur de la nouvelle donne, marquée par un forcing soutenu des grandes puissances mondiales envers l'Algérie, risquent fort d'en pâtir. “L'Algérie est notre premier voisin du Sud ; notre sécurité passe par une relation confiante avec une Algérie stable et prospère”, a déclaré, le 6 mars, le président français à l'occasion de sa visite en Arabie Saoudite. Les français, ne faisant pas montre de trop d'enthousiasme à investir en Algérie, un pays à l'histoire commune, voient des secteurs entiers échapper à leur contrôle. Après les hydrocarbures, accaparés par les américains, c'est au tour de l'armement de tomber sous la coupe des russes. à ce rythme, demain ce serait certainement d'autres secteurs que les français ne manqueraient pas de perdre. Se pose alors la question de savoir si Jacques Chirac ne cherche pas à mettre à profit la maladie de Bouteflika pour signer au plus vite un traité d'amitié avec l'Algérie, espérant ainsi ligoter les algériens avec des engagements assez contraignants et bien avantageux pour son pays. Reste à savoir ce que serait la réponse de Bouteflika qu'il est bien difficile de prévoir. Objectivement, il lui serait très difficile de trouver la parade pour décliner la présente offre du président français au risque de compromettre le processus de refondation des relations algéro-françaises, lancé en mars 2003. Surtout que l'hypothèque du litigieux article 4 de la loi du 23 février est définitivement la levée. Mais c'est méconnaître l'homme qui, imprévisible, a plus d'un tour dans son chapeau. Rusé qu'il est, il saura certainement se tirer d'affaire. à moins que sa décision de signer le traité d'amitié soit bel et bien prise. Ce qui supposerait alors que les termes dudit traité, jusque-là inconnus, seraient réajustés dans l'intérêt des deux pays. Il ne resterait alors qu'à choisir la date pour sceller le traité et, par conséquent, donner corps à ce partenariat d'exception vivement souhaité de part et d'autre. ARAB CHIH