«La culture est la fille mal-aimée du politique», confiera Hamid Grine. Ce forum qui, croit-on - faussement - apportera quelque chose, fut-il intéressant en apparence, a réuni hier matin un ensemble de conférenciers pour débattre de la thématique: «L'information est une culture». Belle thérapie de groupe qui a permis aux confrères et autres voisins du Maghreb de laver leur linge sale en famille en tentant vainement d'apporter chacun ses critiques et corrections pour l'évolution des médias en Algérie. Que d'ambitions dans un pays où la culture est la dernière roue du carrosse comme l'a si bien démontré l'auteur de Il ne fera pas long feu, Hamid Grine, qui décortiquera sous un style romancé justement, les rouages et système de la presse en Algérie, cette jungle sous le pouvoir de l'argent! Dans sa communication, Hamid Grine n'ira pas par 36 chemins comme certains pour affirmer que «la culture en Algérie est une stratégie du spectacle et du folklore» Et de faire remarquer d'emblée: «Il ne faut pas jeter la pierre sur les journalistes avec les faibles moyens qu'ils ont. Il faut voir avec les responsables des journaux qui sont tenus par des obligations commerciales. Au-delà des responsabilités des journaux ou des journalistes, c'est d'abord un problème politique», a souligné l'auteur de La Nuit du henné prenant comme exemple l'artiste qui n'est pas considéré comme un moyen de promotion, contrairement au sportif. Hamid Grine évoquera aussi la fermeture du champ audiovisuel en avançant que le fait culturel tant qu'il reste cantonné à la télé dans du politiquement correct, on n'est pas sortis de l'auberge. Et de souligner, radical: «Que l'on ne nous raconte pas d'histoire, tant qu'il n'y a pas de volonté politique, nous n'irons pas loin.». Dans sa communication assez alambiquée, l'universitaire Belkacem Mostfaoui, professeur à la faculté de journalisme de Ben Aknoun, reprenant cette citation connue «la culture est ce qui reste quand on a tout oublié» développera un réquisitoire assez sévère quant au gaspillage de l'argent par l'Etat et ce, de manière «pharaonique», selon ses termes dans l'organisation d'événements faramineux alors que les villages lointains sont exemptés de culture. Devant la multiplication des moyens de communication dont Internet qu'il considère comme un gadget, M.Mostfaoui mettra en exergue paradoxalement, la «désertification cultuelle» comme étant le corollaire de la marchandisation du produit culturel dans le contexte d'un monde globalisé. Autrement, un journaliste devient le promoteur ou «loueur» d'un tel ou tel produit - pour reprendre le terme de certains - au lieu d'informer son lecteur et d'analyser telle ou telle oeuvre..«La communication est un segment d'activité économique qui va à l'encontre du journalisme», dit-il. Pour lui, la presse qui se doit de résister et inciter à l'évasion, est devenue un produit de fast-food sans aucun éditorial. Or, selon lui, «la culture est un savoir-faire et un savoir-être. C'est l'éthique et la déontologie». Pour M.Mostfaoui, un journaliste se doit d'apporter du sens à l'évolution de la nation sur les réalités culturelles et politiques qui, hélas! se trouvent fourvoyées par une forme de «colonisabilité» des esprits accentuée par cette «désertification culturelle». Pour sa part, Fayçal Metaoui relèvera l'indigence de l'intérêt et place accordés à la culture, que ce soit dans la presse écrite ou dans les médias lourds tout en émergeant dans la réalité concrète du terrien, étant donné qu'il travaille au journal El Watan. Il s'interrogera aussi quant à la supression automatique de la page culturelle au profit d'autres réservées à la publicité tout en regrettant l'absence de revues spécialisées en culture. Sans apporter de solutions, il dira que défendre sa page culturelle relève d'un combat quotidien permanent. Pour sa part, le critique de cinéma de l'émission Cinérama, diffusée sur la Chaîne1, Djamel Hazourli, évoquera son expérience et le rôle déterminant que joue son émission dans la construction du regard et la culture cinématographiques chez l'auditeur. Cependant, il reconnaît qu'«il est difficile de parler de cinéma dans un environnement qui ne nourrit pas son homme». Et d'avouer avec satisfaction, tout de même: «La culture à travers la radio peut consolider les liens entre les gens pour construire ce rapport bâti sur la communication.» Sawsan El Abtah, reporter libanaise, rédactrice en chef de la rubrique culturelle au journal Achark el Awsat évoquera quant à elle son expérience dans le domaine affirmant que leurs pages culturelles sont leader dans le monde arabe, car apportant une vision moderne de la culture car étant plus proche de la réalité et des préoccupations des jeunes. La Libanaise fera remarquer la nécessité de relier des dossiers sur la culture aux différents autres segments comme l'économie et la politique. Enfin, le Marocain Rachid Idrissi, enseignant, spécialiste des méthodes de la critique littéraire à l'université de Rabat regrettera le côté militant de la presse d'autant qu'il défendait des causes nobles ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. «On se doit entre autres, de faire la promotion du livre pour qu'après, il soit présenté au public à des prix raisonnables.» Suite à ces conférences, l'après-midi devait être consacré à deux ateliers, l'un portant sur le «reportage culturel,» animé par Sawsan El Abtah et l'autre sur «la critique cinématographique», animé par le réalisateur Abderrezak Hellal. Un forum, en attendant le concret.