Revu et corrigé, le projet contenant 13 articles a officiellement été transmis au gouvernement par le bureau de l'APN. Le gouvernement examinera le projet de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie durant les quelques semaines à venir. Après avoir révisé, corrigé et assoupli le document proposé par un groupe de députés algériens, le bureau de l'APN a, officiellement, transmis au gouvernement le projet. Selon le nouveau texte de 12 pages, dont L'Expression a eu une copie, le bureau de l'Assemblée populaire nationale a supprimé 7 articles du projet initial. A cela s'ajoutent les nombreuses modifications et les assouplissements apportés au document. Ainsi, les articles 7, 13,15, 16, 17, 18 et 19 du projet initial ont été supprimés. D'emblée, on remarque que les articles forts ayant trait aux dossiers «qui fâchent» et minant les relations algéro-françaises ont été retirés. Le bureau de l'APN a, donc, apporté des corrections dans le fond et dans la forme à certains articles. Cependant, l'article 18 souligne que «l'avenir des relations entre les deux pays restera tributaire de la soumission de la France aux exigences du peuple algérien qui consistent en la repentance, la demande de pardon et l'indemnisation des dommages matériaux et moraux causés aux Algériens durant la période coloniale 1830-1962». Pour le bureau de l'APN, cet article a été supprimé pour des raisons juridiques. Selon une source parlementaire, cet article interfère dans les prérogatives de la politique extérieure de l'Etat algérien. Car, explique-t-elle, les relations internationales restent une mission des Affaires étrangères et qui ne peuvent être régies par un texte de loi. Le nouveau texte ne prévoit aucun autre article se substituant à l'article supprimé. L'amendement touche également l'article 7. Le projet initial prévoit l'intervention d'Interpol pour procéder à l'arrestation de l'accusé. «L'accusé sera convoqué par les procédures judiciaires en vigueur. A défaut de sa comparution, sa présentation se fera par le biais de l'Interpol s'il se trouve en dehors de son territoire.» Pour la même source, cet amendement s'impose dans le but d'éviter de tomber dans une contradiction flagrante avec le droit international et surtout pour ne pas violer les textes internationaux en vigueur. L'autre article retiré est celui relatif aux archives. L'article 15 souligne qu'il appartient «à l'Etat français de restituer les différentes archives nationales qu'elles soient écrites, audio ou visuelles». L'article 16 obligeant l'Etat français à dévoiler la liste des disparus, morts ou vivants, ainsi que les lieux de leurs résidences, a été également retiré. Idem pour l'article 17 relatif aux plans des champs de mines. Dans sa globalité, même s'il a été «déminé» à la suite de la suppression de quelques articles «épineux», le projet contient de véritables bombes qui vont certainement faire exploser les relations algéro-françaises, déjà dans un champ de mines. Au préambule, les initiateurs ont expliqué les raisons d'une telle démarche. Ils sont revenus sur l'ensemble de la période coloniale 1830/1962. Parmi les concepts utilisés par les initiateurs, on note que le colonialisme français a été qualifié «de guerre contre l'humanité» et de «crimes de guerre». Pour étayer leurs propos, les initiateurs donnent plus de détails dans les articles 3, 4 et 5. L'article 3 stipule que «la repentance de la France de ses crimes commis en Algérie entre 1830 et 1962 constitue un droit légitime pour le peuple algérien». L'article 4 considère comme «actes criminels»: «les crimes de guerre», «l'extermination», «le crime contre l'humanité» qui sont en contradiction avec les conventions internationales. Le texte détaille dans son article 5 «les crimes de guerre». Il s'agit donc d'«homicide volontaire», «la torture», «le traitement inhumain», «les déplacements et les expropriations forcées des populations». Le même document est appuyé par des données chiffrées qui montrent «la barbarie du colonialisme français en Algérie». «Plus de 25.000 enrôlés de force pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), 45.000 Algériens massacrés en Mai 1945, 1,5 million de martyrs tombés sur le champ de bataille, des Algériens utilisés comme boucliers humains lors du premier essai nucléaire dans le Sahara, 1260 victimes ont été brûlées, étranglées et exécutées entre le 19 et le 20 juin 1845, les massacres horribles commis par le général Randon et ses 30.000 soldats en 1852 et dont étaient victimes les enfants, les femmes et les vieux en Kabylie», souligne, notamment, le texte qui propose la création d'un tribunal criminel spécial pour juger les auteurs de ces crimes de guerre et contre l'humanité commis en Algérie.