C'est un artiste comblé que nous avons rencontré samedi en fin de journée, à la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Il faut dire qu'il ne nous a pas été facile d'approcher le maître du chaâbi car ses fans et d'autres chanteurs se bousculaient pour prendre des photos avec lui. Grâce à son fils, nous avons finalement fini par nous frayer un chemin vers cette icône. L'Expression: Quel est votre sentiment suite à cet hommage qui vous est rendu dans la wilaya de vos origines? Boudjemaâ El Ankis: Je ne peux pas exactement trouver toutes les paroles qu'il faut pour dire ce que je ressens suite à cet hommage. Je suis très ému par cet intérêt exprimé par la population de Tizi Ouzou. Mais il n'y a pas que le public de Tizi Ouzou. Ils sont venus d'un peu partout. J'éprouve un grand plaisir. Je ne pense pas vivre un autre jour de bonheur aussi intense que celui d'aujourd'hui. C'est vraiment formidable. Un hommage organisé dans la région de votre famille et de votre enfance représente sans doute quelque chose d'exceptionnel pour vous? Evidemment, quand on a vécu dans une région ou dans un quartier, nous ressentons beaucoup de nostalgie. Mais pour moi et pour les artistes en général, c'est tout le peuple algérien qui représente notre raison d'être. Je remercie tout mon public en Algérie qui m'a supporté et qui a été avec moi pendant toute ma vie d'artiste. Le parcours a duré soixante-huit ans. Pendant soixante-huit ans, les Algériens ont été avec moi dans le bonheur et dans le malheur. Aujourd'hui, ils m'ont donné une preuve qu'ils m'aiment encore. Je les aime aussi. Avant cet hommage, saviez-vous que vous étiez admiré autant que ça dans la région de Tizi Ouzou? Je le savais. Je vais vous donner une preuve. Il y a à côté de moi un grand mélomane de Tizi Ouzou. Nous nous sommes connus il y a un peu plus de cinquante ans. Vous séjournez à Tizi Ouzou de temps à autre? J'y suis de passage quand je vais à Azeffoun. Mais dorénavant, j'y serai un peu plus souvent chez mon ami Mourad (le fan évoqué dans la question précédente, Ndlr). Tizi Ouzou est la région de vos parents et de votre famille mais vous êtes né à Alger... Effectivement, je suis né à la Casbah d'Alger. Je suis né dans un quartier que je considère comme étant la capitale de la Casbah. Je suis né à Bir Sbâa. Bir Sbaâ est considéré comme le berceau des artistes. La majorité des artistes est issue de ce quartier: El Hadj M'hamed El Anka est de Bir Sbaâ tout comme El Hadj M'rizek, El Hadj Menouer, Hsissen, El Achab. C'est étonnant! Bir Sbaâ n'est qu'une petite «zeniqa» et tous les artistes sont de là. C'est un peu comme Azeffoun, n'est-ce pas? Effectivement, beaucoup d'artistes sont originaires d'Azeffoun. C'est vraiment étonnant et en même temps formidable. Quel regard portez-vous sur les artistes de la région qui chantent en kabyle? Bien sûr, les artistes de la région qui chantent en kabyle sont connus et ont beaucoup de talent. Ils ont honoré la chanson algérienne. L'un d'eux est présent ici. Il s'agit de Akli Yahiatène. Il y a aussi Cheikh El Hasnaoui et Matoub Lounès. Justement, qu'avez-vous à dire sur Matoub Lounès qui est l'artiste le plus populaire dans la région de Kabylie comme vous le savez bien et que vous estimez énormément? J'étais chez moi à Aït Rehouna. Matoub m'envoie deux personnes venues me voir de sa part. Ils m'ont dit que Matoub voudrait bien venir me rencontrer. J'ai posé la question: pourquoi? Ils m'ont répondu que Matoub voulait faire un duo avec moi. On voulait faire un duo. Il s'agit de la chanson Rah el ghali rah (version kabyle de Matoub Lounès: Yetssegikh wul iw, Ndlr). Pourquoi le projet n'a pas pu aboutir? Eh bien, une semaine plus tard, Matoub Lounès a été enlevé. C'était en 1994. On n'a pas fait la chanson. Ensuite, à sa libération, il est parti en France. Le temps est passé tellement vite... Ensuite, il a été assassiné, que Dieu ait son âme. Que pensez-vous de Matoub Lounès en tant qu'artiste? C'est un grand! C'est un grand! C'est un grand artiste. Ça veut tout dire.