Au Soudan, la police des moeurs peut interpeller n'importe quelle jeune fille dans la rue, qui doit prouver sa virginité. «Si en Algérie la protection de la femme contre la violence fait toujours défaut, au Soudan, cette violence est institutionnalisée», déclarera la journaliste soudanaise Loubna Hussein, lors d'une rencontre, tenue avant-hier, au siège du MDS (ex Pags), à Alger. Invitée par des associations organisatrices d'une campagne de sensibilisation pour des lois civiles et égalitaires en Algérie, cette militante des droits de l'homme est revenue, au cours de son intervention, sur l'extrême violence qu'endurent les femmes au Soudan. «Mon procès est un exemple, des plus révélateurs, de la situation de la femme au Soudan», se désolera-t-elle en évoquant son cas. Employée d'une institution onusienne, Loubna Hussein a été arrêtée, en juillet denier, en application de l'article 152 du Code pénal soudanais et ce pour port de vêtements indécents dans un lieu public: un pantalon! «Plus humiliant que la peine prévue par cette loi, (quarante coups de fouet), est la dénomination de celle-ci, condamnation pour actes contraires aux moeurs», s'indignera-t-elle. Même si elle n'aura pas à subir la flagellation, Loubna Hussein écope d'une amende de 200 dollars, qui sera payée par le Syndicat des journalistes soudanais. Elle explique que son cas ne constitue nullement une exception au Soudan. «En 2009, près de 43.000 femmes ont été condamnées à cause des vêtements qu'elles portaient», fera-t-elle préciser. Et de poursuivre: «Il y a des tribunaux spéciaux qui se chargent de ce genre de procès, la police des moeurs a aussi toutes les prérogatives pour arrêter un père qui se balade avec sa fille pour lui demander son livret de famille, comme elle peut arrêter n'importe qu'elle jeune fille dans la rue et l'obliger à passer un contrôle médical pour prouver sa virginité...» Après avoir enduré le fouet, nombreuses sont les jeunes femmes qui n'osent pas consulter le médecin à cause du scandale que risque de provoquer une telle nouvelle. La violence à l'égard des femmes n'est certainement pas «l'apanage» des pays dits arabo-musulmans, il s'agit plutôt d'un phénomène mondial qui tend à évoluer. Cependant, l'intervenante tiendra à préciser que le point commun entre ces pays est l'archaïsme criant qui tirent les populations constamment vers le bas. «Aucun verset ou hadith n'évoquent ce cas. Je ne vois pas comment l'Islam pourrait punir de 40 coups de fouet une femme portant un pantalon alors qu'un homme qui viole une mineure n'est condamné qu'à un mois de prison!», fulmine l'invitée d'Alger. Pour elle, la religion n'est qu'un moyen utilisé pour manipuler les populations. Cette militante ne manquera pas de mentionner que la plupart de ces lois «absurdes et humiliantes» soient inspirées principalement de la législation iranienne. Elle pointera également du doigt le gouvernement de Omar El Bechir, qui est responsable, selon elle, de cette régression: «3000 ans avant Jésus-Christ, une femme régnait sur le pays, en 2010 elle se fait fouetter pour ses habits, c'est scandaleux!», s'exclame-t-elle. Concernant son procès, Loubna Hussein indiquera qu'elle avait déposé auparavant plusieurs recours auprès de la Cour de cassation et un autre auprès de la Cour suprême pour protester contre l'article 152, dont les dispositions sont à l'encontre des droits de l'homme et de la charia. «N'ayant pas eu gain de cause, j'ai décidé de déposer, mercredi 17 mars, un recours au niveau de la Cour constitutionnelle du Soudan. Au cas où leur réponse serait défavorable et je pense que ça sera le cas, je saisirais des instances juridiques africaines et internationales...», conclura-t-elle.