«Notre festival se veut être une école de tolérance et d'ouverture à l'autre» a affirmé Si El Hachemi Assad, commissaire du Festival du film amazigh. Est-ce la fin de la mise à l'écart institutionnelle de l'écrivain Mouloud Feraoun? Tout porte à le croire surtout si l'on se fie à l'intervention de Mme Zobeida Mameria, représentante du ministère de la Culture, hier, à l'ouverture des travaux du Colloque international sur la vie et l'oeuvre de Mouloud Feraoun à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Cette dernière n'a pas tari d'éloges à l'égard d'un de nos écrivains les plus lus. L'oratrice, devant un parterre constitué d'écrivains, d'universitaires et d'un large public, a indiqué que nul ne peut contester qu'en dehors de Jean Amrouche, qui écrivit sur un autre registre et pour d'autres motivations, que c'est Mouloud Feraoun qui, le premier, est entré en littérature, à partir de 1950, une décennie décrite comme une période de contestation. «Son autre mérite est aussi d'avoir révélé une élite à elle-même, car si on met de côté le courant algérianiste dont le propos ne nous concerne en rien, c'est dans son sillage que les langues se sont déliées pour écrire», a déclaré la représentante de l'Etat. Cette dernière est même allée jusqu'à s'en prendre à la critique qui s'est acharnée contre les oeuvres de Feraoun en affirmant que cette critique a jugé l'écrivain et son oeuvre avec sévérité mais, «pour nous, l'importance humaine de cette oeuvre l'emportait de loin sur toute autre considération. Le mérite de Mouloud Feraoun, c'est tout simplement d'avoir fait s'épanouir une idée de la Kabylie. Cette dernière vue de l'intérieur par l'un de ses plus fidèles fils. C'est aussi d'avoir contribué de façon décisive à créer les conditions d'identification d'un peuple et d'une partie de l'Algérie à une période où on n'existait pour personne». La représentante du ministère de la Culture a défendu bec et ongles Mouloud Feraoun contre ses détracteurs. Ce faisant, elle a sans doute voulu transmettre un message clair au nom de l'institution qu'elle représente. Pour ceux qui ont critiqué Feraoun d'avoir écrit en français, l'intervenante a répliqué que, connaissant la langue française comme un Français, son destin d'écrivain le rattachait à deux choses: la langue française, et pouvait-il à l'époque écrire dans une autre langue, et la réalité de son pays. L'oratrice a ajouté: «Ne devraient-ils pas s'interroger, ces gens qui le critiquent, sur les raisons qui les ont fait si déraisonnables au point de voir dans cet attachement une sorte de trahison? Peuvent-ils ignorer à ce point les liens qui lient un homme sensible à son passé, à sa terre et à ses ancêtres? peuvent-ils ignorer que ce sont des hommes comme Feraoun qui ont eu le courage d'opposer à l'occupant un autre regard sur une intimité invisible autrement?» La virulence de la représentante du ministère de la Culture ne s'arrêtera pas là, puisqu'elle enchaînera qu'il n'y a eu dans l'histoire de l'humanité qu'une seule constante: l'aspiration des hommes à plus de bonheur; c'était l'aspiration légitime de Feraoun qui exalte dans ses écrits l'impossible et perpétuel effort des siens pour le bien-être, la liberté et la paix, choses confisquées et tout simplement remplacées par une solidarité à toute épreuve: «Est-ce mal d'en parler? N'était-ce pas déjà une contestation sourde qui précède un grand bouleversement? Les ténors de l'ordre ancien devenu désordre, n'ont-ils pas eu à craindre de ces révélations sous les apparences d'une évidence claire, franche et sereine? Feraoun oppose sa vision de la Kabylie à la totale négation des réalités vécues. Cette vision ne cesse de promouvoir un cri intérieur, un appel à la liberté inscrit dans chaque ligne écrite de sa main. Elle exprime et exalte le combat immense et perpétuel qui se déroule au coeur de chaque homme. C'est à notre sens, ce qui donne à l'oeuvre de Feraoun sa portée universelle, car c'est cela qui importe le plus.» A propos de l'organisation d'un colloque sur la vie et l'oeuvre de Mouloud Feraoun en plein festival du film amazigh, Si El Hachemi Assad, commissaire du festival en question, a argumenté que le cinéma et la littérature sont deux piliers qui soutiennent les ponts jetés vers l'ailleurs et donnent les saveurs de l'harmonie, devise «de notre festival qui se veut être une école de tolérance et d'ouverture à l'autre». Et d'ajouter que «dix ans d'un festival, ça se fête. Nous le voulons et cela par un riche programme qui doit refléter la qualité exceptionnelle de notre manifestation dans son ensemble, placée sous le signe de l'olivier et en hommage à Mouloud Feraoun».