Commémoration n L'œuvre et la vie de Mouloud Feraoun ont été hier, dimanche, le thème d'un colloque à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. L'événement, qui entre dans le cadre des activités scientifiques de la dixième édition du Festival national du film amazigh, a été animé par des universitaires algériens, tunisiens, marocains et français. Le choix des femmes pour aborder la thématique de la rencontre se veut un hommage particulier à l'auteur du Fils du pauvre dont le souhait était l'émancipation de la femme sur tous les plans», dira Assad El-Hachemi, commissaire du festival, dans son allocution d'ouverture. Pour lui «le cinéma et la littérature sont les deux piliers qui soutiennent le pont jeté vers l'ailleurs». Pour sa part, Mme Maâmmeria Zoubida, représentante de la ministre de la Culture, fera un exposé intéressant sur L'œuvre de Mouloud Feraoun en revenant sur les thèmes abordés, la pensée véhiculée dans son œuvre et les critiques dont il avait fait L'objet. À propos de celles-ci, elle dira qu'il a été «victime de critiques gratuites et malveillantes de la part de nationalistes qui ne l'avaient pas compris». Selon elle, le tort de Mouloud Feraoun était d'avoir été bon, tolérant et humaniste dans une période marquée par la violence. «Dans son œuvre, poursuit-elle, il fait s'épanouir une idée de la Kabylie, une Kabylie intérieure vue par ses enfants. Il a révélé à la conscience générale, l'existence d'une entité humaine ignorée par les autres». Son œuvre, poursuit-elle, a été modulée selon ses états d'âme et son vécu. Pour Maâmmeria Zoubida, Mouloud Feraoun a été «le précurseur d'un courant d'idées de la littérature maghrébine d'expression française. Il a en outre permis à une élite de se révéler à elle-même». L'intervention de Ali, le fils aîné de Mouloud Feraoun, était imprégnée de dépit et de désolation en raison du peu d'intérêt accordé à «un géant de la littérature contemporaine», selon les propos de Assad El-Hachemi. Il s'agit là d'une «mise à l'écart» qui se traduit aujourd'hui par la méconnaissance de l'instituteur-écrivain par les jeunes. Pour lui, les rencontres autour du fils de Tizi Hibel, même si elles sont occasionnelles permettent de découvrir le créateur de Fouroulou car «aujourd'hui ce dont a besoin Mouloud Feraoun, ce sont trois choses : être lu, être lu et être lu», souligne-t-il en paraphrasant Metref. Mais pour être lue, il faudra d'abord que son œuvre soit accessible à tous. Or, ses romans sont vendus entre 300 et 400 DA, quand ce n'est pas plus et réédités par une maison d'édition qui fait perdre toute sa sobriété à l'œuvre par une couverture aux couleurs flamboyantes qui fait penser bien plus à un conte ou à un livre pour enfants qu'à un roman de haut niveau, une œuvre qui a marqué la littérature algérienne et maghrébine d'expression française. À ce propos, M. Bensalah, membre du comité d'organisation du festival, dira que les romans de Feraoun se vendent à 25 euros en France. Ali Feraoun regrettera également le peu d'égard accordé à son père par les universitaires algériens alors que son œuvre fait l'objet de thèses dans plusieurs autres pays et a été traduite dans plusieurs langues. «Je suis triste», dira-t-il, avant de souhaiter que Mouloud Feraoun - des étudiants de Tizi Ouzou avaient refusé en 1992 que leur université soit baptisé à son nom - soit enfin réhabilité dans son pays pour que les jeunes auxquels l'on demandera s'ils le connaissent ne répondent plus : «C'est le CEM de la Haute Ville !»...