Les festivals sont-ils importants et de quelle façon participent-ils à la promotion culturelle d'un pays? Telle est la problématique posée. Une bien intéressante rencontre a eu lieu mardi soir à la librairie Socrate portant sur la réalité et le rôle des festivals en Algérie. Elle a été animée par Brahim Noual, Hamraoui Habib Chawki, Lakhdar Bentorki et Si Hachemi Assad, respectivement commissaire du Festival international du théâtre, président du Festival international du film arabe, commissaire des Festivals de Djemila et Timgad, directeur de l'Onci et enfin commissaire du Festival international du film amazigh. Cette «qaâda» s'est proposé de débattre de l'utilité de ces événements annuels que sont les festivals culturels dans un pays miné par l'indigence culturelle et surtout le manque de professionnalisme et de gestion entourant ce genre de manifestations et ce, à divers degrés. Pour le premier intervenant, évoquant Malek Bennabi, il fera remarquer le rôle social des festivals en leur qualité de rassembleurs d'artistes qui permettent de faire connaître la création d'autrui au gens, «le théâtre étant lui-même une institution sociale», argue-t-il tout en indiquant qu'il peut devenir un marché mais nous n'en sommes pas encore là, regrettera-t-il. «Un festival suscite le dialogue avec les autres». Pour sa part, Hamraoui Habib Chawki, se référant à 1997 où il était ministre de la Culture, a fait remarquer qu'à cette époque une association de Aïn Defla lui avait proposé d'y organiser un festival. Or, les infrastructures pour prendre en charge et assumer une telle manifestation n'existaient pas. «J'ai pris alors l'initiative de lancer une loi réglementant les festivals, laquelle loi a été revue par Khalida Toumi à son arrivée. Un festival ne s'organise pas uniquement par la volonté mais avec un certain ordre, une stratégie bien claire jusqu'à ce qu'il devienne d'utilité publique comme celui de Cannes. Le but n'est pas toujours de donner une bonne image du pays. Ceci est le rôle des diplomates. Le Festival international du film arabe est une participation sincère à l'action culturelle sur le territoire arabe. Parler cinéma c'est d'abord parler d'investissement, de distribution et de promotion. Aussi, il est interdit d'instrumentaliser les artistes dans un but chauviniste ou autre.» De son côté, Bentorki fera remarquer que les festivals de Timgad et Djemila diffèrent complètement de ceux du théâtre et du cinéma. «Nous sommes arrivés à la 31e édition du Festival de Timgad et jusqu'à présent nous souffrons d'un grave déficit en moyens logistiques pour accueillir comme il se doit nos invités.» Evoquant les débuts du Festival du film amzigh en 1999, en collaboration avec le Haut commissariat à l'amazighité, Hachemi Assad dira avoir pris tôt conscience de la nécessité d'encourager et d'accompagner l'effort de ceux qui travaillent autour du cinéma amazigh en lançant une revue, des ateliers de cinéma et récemment, le ciné-club, des actions qui s'étalent selon lui sur toute l'année. «Le festival était itinérant. La ministre de la Culture a décidé de le fixer à partir de 2010 à Tizi Ouzou. Ce qui fait qu'il reste pérenne. C'est un travail colossal, soutenu par les institutions de l'Etat et cela doit être davantage par les entreprises privées.» Abordant le sujet de la mainmise de l'Etat sur ces festivals, qui pourrait interférer dans la gestion de leurs programmes, tous ont été formels quant à la liberté de gestion de leur manifestation respective. Brahim Noual indiquera la nécessité de faire des festivals «internationaux» qui permettent de fédérer les énergies pour plus d'ouverture vers l'autre dans le sens «fonctionnel» du terme. HHC qui relèvera que le ministère de la Culture a contribué à hauteur de 25% à son Festival du film arabe, qualifiant cette participation d'«énorme», dira que cela est nécessaire à défaut du mécénat qui n'existe pas chez nous. «Dans tous les festivals du monde, il y a une autorisation quelque part. Les festivals de Carthage et de Marrakech, notamment ce sont avant tout une stratégie de l'Etat. Le seul critère de sélection des festivals est la qualité et l'âge du film. Personne ne me dicte ses règles ou m'interdit de passer tel ou tel film.» D'aucuns imputeront la non-distribution de ces films dans le reste du pays, une fois regardés dans les festivals, au manque de salles de cinéma. «Avec la restauration du réseau des cinémathèques, nous avons l'espoir que cela change grâce aux efforts consentis depuis deux ans par la ministre de la Culture», a affirmé le commissaire du Festival du film amzigh, tout en rappelant l'organisation cet été, du panorama à Tizi Ouzou, des films primés lors des différentes éditions de son festival qui a permis au public de connaître mieux ces films réalisés en langue amazighe ces dernières années. «Aujourd'hui, il y a le Cnca qui s'occupe aussi de ça. Il faut préserver et construire cet édifice tout doucement, mais le problème est que même les gens ne vont pas en salles», dira Hachemi Assad. A en croire Hamraoui Habib Chawki, plus de 7 salles seront opérationnelles à Oran en 2010. Tout le monde le sait à présent, notre hôte va endosser le rôle d'ambassadeur en Roumanie. Restera-t-il toujours président de la Fondation les Fennecs d'or? En tout cas, pour le festival du court métrage qu'il présidait jusqu'à présent, c'est officiel, il le lègue à sa directrice artistique, la jeune réalisatrice Yasmine Chouikh. Cette année, il sera probablement programmé, nous apprend-on au printemps. S'agissant du Festival du film arabe d'Oran, Hamraoui Habib Chawki souligne aussi, avec le sourire: «Je viendrai avec plaisir donner un coup de main même s'il le faut en tant que bénévole.» Les points afférents l'anarchie et la gratuité des festivals ont également été soulevés. Un cercle vicieux sans fin.