Bidonville n Au début, elles étaient 26 familles ramenées, en 1996 par les autorités pour une transition de 6 mois. Une décennie plus tard, elles sont 153 familles à attendre la délivrance. «Les autorités locales nous méprisent», disent ces habitants à l?unanimité. Organisés en collectif pour défendre leurs intérêts, ils restent amers face au mutisme des différents élus. «Chaque élu nous mène en bateau à sa manière», nous disent-ils. Le bidonville est un ensemble de baraques en parpaing et en bois, le toit, souvent en zinc, n?assurant aucune protection en cet hiver impitoyable. Situé tout près de l?oued El-Harrach, ce bidonville est «embaumé» d?odeurs nauséabondes. «En été, c?est le calvaire. Nous faisons face aux odeurs, mais aussi aux dangereux serpents qui sortent de la rivière», témoigne un habitant qui dit être le plus ancien dans ce bidonville. Pris en étau entre cette rivière et la voie ferrée, ces habitants sont sur le qui-vive en raison des multiples risques qu?engendre leur situation. «La rivière nous apporte les serpents et les rats, le train a tué l?un des nôtres âgé de 25 ans», explique un autre vieux, appuyé sur des béquilles. Il faut dire que chaque individu porte en lui les marques de cette vie harassante. Les enfants, plus vulnérables, sont pour la plupart souvent malades à cause de la proximité des égouts et l?insalubrité de leurs demeures, causant ainsi des dépenses supplémentaires à des familles déjà sans ressources. «J?ai perdu mon épouse de maladie», dira un monsieur, prenant à témoin une dizaine de ses voisins regroupés autour de lui. Des ruelles traversent en largeur ce carré de bidonvilles. L?unique boutique vend des bonbons et du pain. La route qui mène à ce «douar» est une piste détériorée par les multiples camions qui passent par là. L?intérieur des baraques est étroit, chaque espace est largement utilisé par d?ingénieuses femmes qui tentent, chacune à sa manière, de donner vie à leur pâle demeure. Les enfants, bercés d?insouciance, jouent en jetant des pierres sur tout ce qui bouge. La rivière fait sa toilette grâce à l?eau de pluie qui l?a inondée toute la nuit. Elle coule lentement mais sûrement, zigzaguant à travers les arbres vers une destination bleuâtre. En attendant, les habitants, malgré tout, continuent de survivre en marge de ce marécage. «Nous voulons une solution définitive à notre problème», disent-ils avec fermeté.