Après les Egyptiens, les Brésiliens puis les Syriens, force est de constater l'hégémonie actuelle des feuilletons turcs qui ont la cote dans les pays arabes. Des séries turques s'exportent aujourd'hui à coups de milliards et font un tabac dans les pays diffuseurs. D'aucuns se souviennent de l'épisode Nour qui a défrayé la chronique. Aussi, les Algériens envient les Turcs, du moins les professionnels de l'audiovisuel. C'est un fait incontestable, les feuilletons télévisés en Turquie représentent un chiffre d'affaires d'environ un milliard de dollars. Durant la semaine, une soixantaine de feuilletons sont diffusés dans une vingtaine de chaînes généralistes turques. Chaque année, une vingtaine de nouveaux projets de feuilletons sont entamés. Chaque épisode de feuilletons a un coût allant de 50.000 à 250.000 dollars. «Chez nous c'est nettement bas» a avoué, d'emblée, Baya Hachemi, l'auteur du feuilleton El Kilada (diffusée le mois de Ramadhan dernier) avant-hier lors d'une rencontre informelle avec le réalisateur Çagan Irmak, auteur du touchant film Mon père et mon fils, et une productrice turque. Comment donc ne pas être dépité quand on sait que l'Algérie traîne bien loin derrière? Impulsée par Baya Hachemi, présidente de l'Association des femmes réalisatrices, cette rencontre entre des professionnels de l'audiovisuel algériens et turcs a eu lieu, mardi à Riad El Feth (Alger), avec pour l'objectif des accords de coopération entre les deux pays dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel. Surtout de l'audiovisuel vraisemblablement. «Cette rencontre est une prise de contact qui vise à définir les différentes opportunités pour d'éventuels projets de partenariat entre les deux pays», a indiqué M.Suayip Yagomur, représentant de l'ambassade de Turquie en Algérie qui s'est dit «optimiste» quant à cette future collaboration. La rencontre a été organisée en marge de la Semaine du film turc qui se tient jusqu'au 28 mars à Riad El Feth. Y ont pris part, notamment des femmes cinéastes algériennes dont Yamina Chouikh, Nadia Chérabi et Mina Kessar. Le ministère de la Culture, convié à cette rencontre, a brillé par son absence. «Nous avons profité de la tenue de la Semaine du film turc, nous en tant que privé puisque nous avons la chance d'avoir ici un réalisateur et une productrice turcs, pour essayer d' établir des relations entre nos deux pays. Nous avons beaucoup de choses en commun, notamment sur le plan historique, des paysages, de l'art culinaire et du tourisme. Tout cela peut susciter des productions en partenariat, d'autant qu'eux, ils ont une vingtaine de chaînes qui peuvent être intéressées en venant produire en Algérie et nous, en allant chez eux. Alors nous avons invité des professionnels des deux côtés pour qu'il y ait un échange et débattre autour de ce sujet et, notamment impulser des coproductions entre nous et la Turquie». Et de renchérir: «Puisque le public algérien commence à regarder les productions turques, on ne veut pas faire comme avec les autres pays. Nous, on regarde leurs productions et eux ne regardent jamais les nôtres. Car nos productions n'arrivent jamais à sortir de l'Algérie». Un tour de table a été l'occasion pour les deux parties d'évoquer la place accordée au cinéma et à l'audiovisuel dans les pays respectifs. Force est de constater le point commun qui existe entre nos deux pays. La libération de l'audiovisuel en Turquie coïncide avec celle de nos médias (presse) en Algérie c'est-à-dire en 1990. Si le mot «capitalisme» lâché par le représentant turc peut prêter à sourire (jaune), chez nous, c'est plutôt, non pas la loi du marché, mais celles de la jungle qui prévalent au sein de notre 21 boulevard des Martyrs. Si avec Hamraoui Habib Chawki, il y avait un semblant de dialogue, avec le nouveau DG de la télé, nous apprend-on «tout a été fermé» et ne reste que les productions commandées pour le sacro-saint mois de Ramadhan. Une situation précaire dont souffrent beaucoup de nos producteurs et réalisateurs qui entendent, de trouver des solutions quitte à aller en Turquie! «Les volontés sont là, mais l'argent dépend de l'enveloppe allouée par le ministère des Finances à celui de la Culture. Nous avons seulement deux sources de subvention, la télé et le Fdatic qui est une aide que le ministère de la Culture accorde au réalisateur et qui ne dépasse pas les dix millions de dinars, à quelques exceptions près», fera-t-on remarquer parmi l'assistance algérienne. Alors où trouver des sources de financement privé face à une seule chaîne de télé? «En Turquie, c'est différent, On contacte les chaînes télé et on leur vend le projet. Pour les réalisateurs moins connus, ils arrivent à trouver leur propre financement. Aujourd'hui avec la crise, le budget d'achat de feuilletons étrangers a diminué», dira le représentant turc M.Suayip Yagomur. «Comment faites-vous alors pour vendre chez nous vos feuilletons?», demandera, un peu agacée, Baya Hachemi qui attend sans doute beaucoup de cette rencontre. Cela étant, les discussions sur les opportunités de coopération ont abouti à l'installation d'un «comité de suivi» composé de professionnels des deux pays. La partie turque a, en outre, proposé des sessions de formation au profit des professionnels algériens. En marge de la rencontre, M.Yagomur a indiqué que le projet d'une télévision d'expression arabe est en phase de finalisation et elle sera lancée à l'initiative de la télévision publique turque TRT.