Le 11 septembre 2001, les Américains se sont heurtés à une réalité qui a imposé, plus tard, une nouvelle ligne de conduite. Ils ne connaissent rien du monde extérieur. Ce dernier n'intercepte pas leurs messages. Pas de la manière souhaitée, du moins. Désir de s'ouvrir sur le monde extérieur. Besoin exagéré de se protéger des dangers venus d'ailleurs. Une équation qui ne résume pas, certes, la vie des Américains. Mais elle illustre la face cachée d'une société qui n'est plus la même depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les Américains ont cette réputation de ne s'intéresser qu'aux questions locales. Le reste du monde «est un détail pour eux», nous confie Bill Duryea, rédacteur en chef au journal Saint Petersburg Times. Au final, ils se heurtent à une réalité: «Les Américains ne connaissent rien du monde extérieur. Ce dernier n'intercepte pas leurs messages. Pas de la manière souhaitée, du moins.» Le professeur Akram, spécialiste dans le système américain, confirme cette lecture. Pour lui, la politique extérieure est consacrée par la Constitution du pays comme une exclusivité de l'administration centrale. L'Amérique veut comprendre L'information internationale occupe 3% de l'espace des journaux. Un choix dicté par les besoins internes. Les attaques terroristes sur le sol américain ont imposé une nouvelle ligne de conduite. Désormais, les Américains affichent une volonté de comprendre. Avant la fameuse main tendue d'Obama au monde arabe et musulman, l'Administration Bush, conseillée par les analystes avertis, avait tenté d y prêter une oreille plus attentive, avec pour objectif d'amortir le choc entre les deux parties. L'équipe d'échange électronique est un espace de dialogue digital, créée par le département d'Etat en 2006 afin d'expliquer les politiques extérieures des USA. Elle utilise des liens comme le Facebook, le YouTube et plusieurs autres sites, notamment celui du département d'Etat pour lancer des débats sur les questions de l'heure, notamment les guerres en Irak et en Afghanistan. Quotidiennement, un million de visiteurs se rejoignent dans cet espace géré par des analystes politiques américains mais aussi arabes. Muath Alsufy, d'origine yéménite, membre de l'équipe de liaison, affirme que sa mission principale étant de corriger les malentendus autour de la politique intérieure américaine, mais aussi «d'apprendre des autres». Pour lui, «les administrations américaines successives ont réussi à imposer leur politique extérieure. Mais elles ont échoué à l'expliquer à l'opinion publique.» Notre interlocuteur reconnaît que le dossier irakien constitue une priorité. L'un des messages qu'ils s'échinent à transmettre aux internautes qui surfent sur les sites de débat, a trait à la nature de la présence américaine en Irak «Les Etats-Unis d'Amérique n'ont pas l'intention de coloniser l'Irak ou l'Afghanistan. Notre présence dans ces deux pays est temporaire et de surcroît validée par les Nations unies.» C'est ce que nous pouvons lire sur l'une des pages de dialogue. Le texte est signé par Samir Zidane, membre de l'équipe de liaison. Muath Alsufy reconnaît que la troisième mission de cet espace étant de faire la propagande de la politique américaine. En 2006, les Etats-Unis avaient pensé mener une guerre, cette fois-ci, médiatique contre Al Jazeera. Ils créent El Hurra. Taxée de proaméricaine, cette chaîne financée par les contribuables américains peine à concrétiser ses objectifs. Nous rencontrerons Mohamed Lemine, au siège central d'El Hurra. Il est responsable de la rédaction. Selon ses dires, lui seul est en mesure de définir la ligne éditoriale de son journal télévisé. «Nous ne recevons aucune instruction de l'administration américaine. Et en tant que canal d'information financé par le peuple américain, nous avons une seule exigence, c'est celle de la transparence dans la gestion.» El Hurra Irak et El Hurra Europe sont venues renforcer le bouquet de la chaîne mère qui compte 27 millions de téléspectateurs chaque semaine, selon les chiffres communiqués par Lemine. Ce journaliste mauritanien reconnaît qu'il est très difficile de s'imposer face à des chaînes qui sont bien implantées dans les sociétés arabes comme Al Jazeera, mais défend sa mission. «Nous nous distinguons par l'objectivité dans le traitement de l'information.» Peut-on préserver une indépendance complète par rapport à la position américaine lorsque les indemnités des journalistes sont payées des poches des citoyens de ce pays? «Nous tentons de présenter aux téléspectateurs l'événement brut. Et c'est à eux d'en tirer les conclusions. C'est là, la devise de la chaîne», poursuit notre interlocuteur. Annuellement, les USA accueillent 5000 visiteurs étrangers internationaux. Les participants sont des «leaderships étrangers, établis ou potentiels. Ils sont issus du monde politique, des ONG des droits de l'homme, du monde de la presse. Les académiciens sont aussi convoités. Les concepteurs de ce programme ont tracé plusieurs objectifs, parmi eux, il y a: la confrontation des idées, les échanges de points de vue». Certains des participants occupent ou ont occupé d'importants postes de responsabilité dans leurs pays respectifs. On dénombre 186 chefs d'Etat ou de gouvernement. Plus de 600 ministres et ou chefs de cabinet. Notre séjour aux USA a coïncidé avec la présence d'éminents universitaires spécialisés dans la religion comparée. Parmi eux, un professeur à l'université d'Oran. «Depuis les attentats du 11 septembre, les Américains tentent de se rapprocher du monde musulman et comprendre sa religion», précise notre interlocuteur. Sa mission étant de présenter «le véritable Islam aux Américains», «une image ternie par les attaques terroristes commises au nom du Djihad pour Allah». L'obsession de la sécurité L'Amérique s'ouvre avec un souci principal: comment assurer sa sécurité et celle de ses citoyens, parce que au fond «nous nous sentons menacés», comme le soulève un citoyen américain rencontré à New York. Cette obsession de se protéger est très apparente déjà au niveau des aéroports. Plus de cinq mois après les attentats du 11 septembre, le gouvernement fédéral a décidé de prendre en charge la sécurité dans les aéroports américains. Une nouvelle autorité, l'Administration pour la sûreté des transports (TSA), a pris dimanche 17 février les rênes du contrôle des passagers et des bagages. Auparavant, près de soixante entreprises s'occupaient de la sécurité, mais sans aucune concertation entre elles, avec l'aide de sociétés privées, des compagnies aériennes et du personnel d'aéroport sous autorité de cette nouvelle administration. L'attentat manqué du 25 décembre 2009 à bord d'un vol Amsterdam-Detroit a provoqué un durcissement prévisible des mesures de sécurité dans les aéroports américains. Dans une directive applicable le 4 janvier, l'Administration de la sécurité dans les transports (TSA) ordonne un contrôle renforcé de tous les passagers originaires ou en provenance de 14 pays. Pour les ressortissants d'autres pays, la directive prévoit un recours accru à des technologies avancées de contrôle des passagers et impose de fouiller «au hasard» les personnes à destination des Etats-Unis de tous les vols internationaux. Dans un communiqué publié sur son site hier, l'Union américaine pour les libertés civiles (Aclu), dénonce «un prétexte pour faire du profilage racial, ce qui est inefficace, anticonstitutionnel et va à l'encontre des valeurs de l'Amérique». Pour le Conseil des relations américano-islamiques (Cair), cette nouvelle directive fait de tout musulman un terroriste en puissance et «n'améliore en rien la sécurité du transport aérien». L'administration américaine se soucie peu de ces préoccupations. Pour elle «l'intérêt du pays prime». Administrations, musées, sites touristiques, tous sont soumis à des mesures de sécurité exceptionnelles. La statue de la Liberté n'y échappe pas. Les visiteurs devraient passer les sacs aux rayons X et, comme à l'aéroport, on vous passera au détecteur de métaux. Pour certains cela gâche un peu le plaisir, mais pour les Américains «c'est un mal nécessaire». Ces mesures qui préoccupent les touristes ne dérangent guère les citoyens américains: «Les terroristes n'ont pas de limite. Ces mesures sont là pour protéger notre vie», précise Lisa. Un sentiment partagé par un peuple qui a vécu le pire dans les attaques du 11 septembre. Une date qu'ils ne sont pas près d'oublier.