Des militaires mutins en Guinée-Bissau ont arrêté jeudi le Premier ministre et le chef d'état-major de l'armée, et pris le contrôle de la capitale de ce petit état pauvre d'Afrique de l'Ouest. Les Etats-Unis et le Portugal, ancienne puissance coloniale, ont aussitôt appelé au retour de «l'ordre constitutionnel» dans ce pays, marqué par l'instabilité politique depuis des années, tandis que la France a dénoncé un «coup d'Etat». Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé les dirigeants du pays à «résoudre les différends d'une manière pacifique» et à «maintenir l'ordre constitutionnel». De son côté, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a condamné «l'inacceptable rupture de l'ordre constitutionnel», ajoutant que «l'UE appelle à la fin immédiate des comportements irresponsables et au plein respect des règles démocratiques élémentaires». Le nouvel homme fort du pays, le général Antonio Indjai, qui a pris la direction des forces armées, a assuré jeudi soir que le coup de force représentait «un problème purement militaire» et que l'armée réitérait «son attachement et sa soumission au pouvoir politique». Arrêté jeudi matin, le Premier ministre Carlos Gomes Junior est maintenu en résidence surveillée à son domicile. Jeudi soir, des militaires qui le surveillaient sont partis et ont été remplacés par des policiers, censés assurer sa sécurité, selon un témoin. Aucune information n'a toutefois pu être obtenue sur sa réelle liberté de mouvement. Les mutins ont également arrêté le chef d'état-major de l'armée, le général José Zamora Induta, et une «quarantaine d'officiers». Les centaines de sympathisants qui exigeaient la libération du Premier ministre près de sa résidence se sont progressivement dispersés. Jeudi après-midi, le général Indjai avait en effet menacé, lors d'une conférence de presse, de «tuer» le Premier ministre Carlos Gomes Junior si les «attroupements» de ses sympathisants ne cessaient pas. «Nous vous demandons d'éviter tout attroupement dans les rues. Si vous ne le faites pas, cela peut nous amener à tuer Cadogo», surnom du Premier ministre, avait-il mis en garde. Jeudi soir, la situation était calme à Bissau, les rues du centre de la capitale restaient désertes, la population se terrant chez elle par crainte de violences. «Les forces armées bissau-guinéennes tiennent à informer l'opinion nationale et internationale que les événements survenus ce jeudi matin sont un problème purement militaire qui ne concerne donc pas le pouvoir civil en place», a affirmé le général Indjai, dans un communiqué lu à la radio nationale. «Toutefois, l'armée réitère son attachement et sa soumission au pouvoir politique. Les institutions militaires restent et resteront soumises au pouvoir politique», a-t-il ajouté. Le président du pays, Malam Bacai Sanha, qui n'a pas été inquiété par les mutins, a assuré que la situation était «calme», invoquant une «confusion entre militaires». La Guinée-Bissau, au sud du Sénégal, réputée pour être une «plaque tournante du trafic de la cocaïne», compte 1,5 million d'habitants qui vivent dans la misère. Baigné par l'Atlantique, il est considéré comme un pays de transit pour le trafic de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe. L'armée est très influente dans ce petit pays indépendant depuis 1974 et ravagé par une guerre civile à la fin des années 1990, et son implication dans le trafic de drogue a souvent été évoquée. Le Portugal a «condamné avec véhémence» les troubles et appelé au «retour immédiat» de l'ordre constitutionnel dans son ancienne colonie. «Nous voulons voir l'ordre constitutionnel restauré dès que possible», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Philip Crowley. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a dénoncé un «coup d'Etat» et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) des «tentatives de déstabilisation». Le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Jean Ping a, pour sa part, appelé les militaires en Guinée-Bissau à «respecter la discipline républicaine».