Washington, premier pourvoyeur de fonds et de troupes étrangères, a jugé vendredi les critiques du président afghan «inquiétantes» et réclamé à M. Karzaï une «clarification» de ses propos. Les Etats-Unis ont rappelé à l'ordre vendredi le président afghan Hamid Karzaï, qui avait choqué la communauté internationale en accusant les Occidentaux et l'ONU d'avoir organisé les fraudes ayant émaillé les dernières élections en Afghanistan, et celui-ci a obtempéré. Washington, de loin le premier pourvoyeur de fonds et de troupes étrangères en Afghanistan, a jugé vendredi ces critiques «inquiétantes» et réclamé à M.Karzaï une «clarification» de ses propos, par la voix du porte-parole du président Barack Obama, Robert Gibbs. Dans un deuxième temps, le département d'Etat américain a annoncé que l'ambassadeur américain en Afghanistan avait rencontré vendredi le président afghan pour lui demander, là encore, des clarifications sur ses critiques. L'explication de texte est arrivée dans l'après-midi. Le président afghan a décroché son téléphone pour s'entretenir avec la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. «Le président Karzaï a réaffirmé son engagement dans le partenariat qui lie nos deux pays, et redit à quel point il appréciait les contributions et les sacrifices de la communauté internationale», a expliqué Philip Crowley, le porte-parole du département d'Etat. «Il y a eu des fraudes lors des élections présidentielles et provinciales, des fraudes massives, très massives», avait lancé jeudi Hamid Karzaï devant les membres de la Commission électorale indépendante (CEI) afghane. «Mais elles n'ont pas été commises par des Afghans, ce sont les étrangers qui les ont commises», avait-il ajouté, citant «le bureau du représentant adjoint de l'ONU (Peter) Galbraith, ainsi que celui de (Philippe) Morillon», un général français qui dirigeait la mission des observateurs de l'Union européenne pour ce scrutin. «Etonnée» par ces déclarations, la France avait été la première a réagir jeudi, le porte-parole du Quai d'Orsay les jugeant «sans fondement». «C'est évidemment absurde et ahurissant», avait réagi pour sa part l'Américain Peter Galbraith, numéro 2 de la mission de l'ONU en Afghanistan au moment du scrutin du 20 août 2009 et nommément mis en cause par M.Karzaï. «Franchement, on se pose des questions sur son état mental ou sur son rapport à la réalité», a-t-il dit à propos du chef de l'Etat afghan. Installé à la tête de l'Etat par la communauté internationale, emmenée par les Etats-Unis, après l'éviction des taliban fin 2001, M.Karzaï a été reconduit en novembre dernier après l'abandon de son principal adversaire avant le second tour alors qu'un quart des bulletins de vote, déclarés frauduleux, avaient été annulés par les autorités électorales, dont la majorité en faveur du sortant. Depuis l'arrivée du président Barack Obama au pouvoir aux Etats-Unis, M.Karzaï est sous la pression croissante des bailleurs de fonds qui l'enjoignent à lutter davantage contre la corruption, avant les élections législatives prévues en septembre. Sa charge anti-occidentale est intervenue quatre jours après sa rencontre avec le président Obama dimanche lors d'une visite surprise de ce dernier en Afghanistan. Selon un diplomate étranger, sous couvert de l'anonymat, Hamid Karzaï a éprouvé «un petit ressentiment», après que les Etats-Unis eurent sollicité des candidatures rivales, notamment celle de M.Abdullah. Mais, «pour la première fois, il reconnaît qu'il y a eu des fraudes», pointe-t-il. Un point qui n'a pas échappé à Abdullah Abdullah. «Il l'a reconnu, et ce faisant, il a reconnu sa propre illégitimité», a lâché le rival malheureux de M.Karzaï.