Les chefs de famille sont effrayés par la hausse vertigineuse que connaissent les prix des produits essentiels. «C'est terrible! C'est inconcevable! L'orange est à 180 dinars le kilo en pleine saison!» Ces mots empreints de dépit sont d'une femme venue faire son marché à Ben Omar dans la capitale. Des millions d'autres chefs de famille paient une lourde facture sans même remplir le couffin. Alors, on achète au détail du détail. «S'il vous plaît, puis-je avoir une pomme, une banane et une orange?», demande la jeune dame à un marchand de fruits. Gênée par notre présence, celle-ci se tourne vers nous, un sourire en coin pour expliquer cette requête. «C'est pour préparer une salade de fruits à mes enfants, de quoi leur procurer un peu de vitamines», dit-elle. Ereintée par la hausse des prix, cette femme a fini par donner libre cours à sa pensée. «C'est honteux pour notre pays. Rebbi ikoun fi el aoun, (que Dieu soit avec nous)», lance-t-elle avec un soupir. Au lieu d'acheter un kilo d'oranges, elle préfère économiser pour offrir d'autres aliments de base à ses enfants. «Je ne peux pas me permettre d'acheter un kilo de fruits», avoue-t-elle. «Pour 180 dinars, vous aurez trois oranges même pas de quoi assurer une orange pour chaque membre de la famille», précise-t-elle avec un long soupir. Mère de trois enfants, cette dame se lamente également sur le sort de familles plus nombreuses. «On est deux à travailler et je ne peux pas acheter des fruits quotidiennement», nous confie-t-elle. Le problème, explique-t-elle, c'est qu'avec la flambée des prix, il est impossible de faire des économies. «On a beau serrer la ceinture, on ne peut pas priver les enfants du minimum», se plaint-elle. Ces complaintes attirent l'attention d'une autre cliente. Elle abonde dans le même sens. «Tout est cher», dit-elle. «Les fruits? On ne fait que les contempler», murmure-t-elle. Pour les légumes, c'est du pareil au même. «L'oignon est à 100 DA le kilo. Quel commentaire pourrait-on faire après cela?», s'interroge-t-elle. Le marché est devenu une corvée. «J'ai la phobie du marché. Malheureusement, il n'y a pas moyen de l'éviter», dit-elle en faisant savoir que son époux est souffrant. Le commerçant qui s'occupait de ses clients a fini par sentir l'envie d'y aller de son commentaire. «Ce n'est pas de notre faute si les prix sont élevés» argumente-t-il. Il avance le fait de l'augmentation des prix au niveau du marché de gros. La concurrence peut jouer quelquefois en faveur du client. Ce commerçant explique. «Je vends moins cher que les autres. La fraise est à 180 dinars alors que juste à côté elle coûte entre 200 et 220 dinars le kilo», a-t-il précisé. Nous poursuivons notre virée au marché pour constater le calvaire des chefs de famille. C'est la frustration. Les prix affichés donnent le vertige. A part la pomme de terre qui est cédée à 25 dinars, les prix des autres produits optent pour une ascension vertigineuse. L'oignon se négocie à 100 et parfois 120 dinars le kilo. Extrait d'un échange entre deux hommes: «Dès que le prix de la pomme de terre baisse, c'est à celui de l'oignon de s'envoler», dit l'un d'entre eux. «On se contente de manger des patates bouillies dans l'eau. Fini, les sauces», réplique le second. «On ne parle plus des viandes ou des fruits mais du plat de résistance qui est devenu cher», affirment-ils. Pour eux, le pire reste à venir avec le mois sacré du Ramadhan. «Je pense que peu de gens vont pouvoir manger la chorba cette année», s'exclame l'un d'entre eux. Ces échos témoignent réellement de la peine des chefs de famille. Laminés par un faible pouvoir d'achat et tenu de nourrir leur progéniture, les petites bourses ne savent plus à quel marchand se vouer. La plupart des citoyens qui affluent sur le marché, repartent avec un panier presque vide. Après les viandes et les fruits, c'est au tour des prix des légumes de prendre l'envol. D'autres produits n'ont pas échappé à la règle. Le kilo de sucre est à 100 dinars. Les produits à base de sucre suivent le mouvement. Les confiseries et les confitures ont également gagné quelques dinars. Sans oublier les produits d'hygiène. En fait, la dernière augmentation du Snmg n'était que de la poudre aux yeux.