La demande en matière de transplantation est en nette augmentation. La dernière greffe rénale effectuée avec succès à partir d'un donneur cadavérique au CHU Frantz-Fanon de Blida, n'a pas été sans répandre une onde d'espoir parmi de nom-breux malades souffrant d'insuffisance rénale chronique. «C'est le seul moyen pour moi de reprendre goût à la vie, alors que le mot dialyse s'est attaché à moi», confie Souhila, la quarantaine, qui souffre de cette maladie depuis 16 ans. Allongée sur son lit, le bras relié à une machine dans un centre d'hémodialyse à Blida, elle raconte: «Mon mari n'a pas pu me faire don d'un de ses reins car le don d'organe entre conjoints est interdit en Algérie.» Pour cette patiente, comme pour beaucoup d'autres, «la greffe rénale reste incontournable», selon son médecin traitant. En effet, le cas de Souhila n'est pas unique. Walid, lui, est âgé de 17 ans, traîne une forme chronique de l'insuffisance rénale depuis son enfance et l'impact sur sa scolarité a été très négatif. Cet enfant a dû abandonner ses études très tôt. «Comme je fais quatre heures de dialyse trois fois par semaine, les absences ont fortement perturbé mon parcours scolaire», explique-t-il. A charge d'un père de famille de huit enfants, Walid aspire aujourd'hui à une transplantation rénale. «Juste pour redevenir comme tous les jeunes de mon âge», ajoute-t-il d'une petite voix. Il y a deux ans, Walid a tenté une première greffe qui n'a pas marché et c'est la déception totale pour cet enfant qui a vu ses rêves brisés. La nouvelle de la réussite de la dernière greffe rénale à partir d'un cadavre semble lui avoir rendu espoir. «Ma volonté de vivre est d'autant plus grande que l'espoir d'être encore greffé ne me quitte pas», dit-il optimiste. Selon des chiffres communiqués par la Fédération nationale des insuffisants rénaux (Fnir), 13.000 Algériens sont atteints d'insuffisance rénale chronique. Pour le docteur Lakhdar Rokia, néphrologue, greffer à partir de personnes décédées est l'idéal pour sauver beaucoup de vies. En effet, ce spécialiste estime que cela est beaucoup mieux que d'effectuer des transplantations à partir de donneurs vivants. «Au lieu de se retrouver avec deux malades, le donneur vivant et le greffé, la greffe à partir de cada-vres est beaucoup moins risquée», a-t-il indiqué à L'Expression. Il a déploré, cependant, le fait que la greffe rénale à partir d'un donneur cadavérique «reste au stade de la théorie en Algérie, et que cette dernière est à la traîne par rapport à beaucoup d'autres pays musulmans». Joignant sa voix à celle de M.Mohamed Boukhors, porte-parole de la Fnir, il appelle politiciens, législateurs et société civile à s'impliquer de plus en plus dans la sensibilisation. «Il est du devoir de chacun de comprendre la souffrance des insuffisants rénaux», a-t-il mentionné, insistant sur le rôle à jouer des médias. M.Boukhors, quant à lui, estime que les dispositions législatives prises par le gouvernement algérien sont, on ne peut plus, claires, faisant allusion à la loi n°90-17 du 31 juillet 1990 modifiant et complétant la loi n°85-05 du 16 février 1985. Sur le plan religieux, l'Islam autorise le don d'organe à partir de personnes décédées pour sauver une vie humaine. Et pourtant, beaucoup de religieux sont encore réticents. «Selon eux, il s'agit de porter atteinte à un mort», a expliqué M.Youcef Ben Halima, enseignant de la Charia à l'université d'Alger dans une déclaration à L'Expression. «Dans le cas du consentement du donneur de son vivant ou de ses proches après sa mort, le don devient licite car l'intérêt du malade prime», a-t-il soutenu, appelant, dans ce contexte, les imams à sensibiliser les citoyens sur la question à l'occasion des prêches qu'ils donnent dans leurs mosquées respectives. Enfin, les spécialistes estiment qu'il est grand temps de mettre en place une politique sérieuse à même de pouvoir sauver des milliers de vies humaines.