Photo : S. Zoheïr Par Karima Mokrani L'ancien ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le Pr Abdelhamid Aberkane, est très critique à l'égard du système de santé algérien. Son jugement est sans appel : «Ça ne va pas.» C'était hier au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN) à l'occasion d'une journée parlementaire sur les traitements de l'insuffisance rénale en Algérie, organisée par la commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle. «Notre système de santé connaît des dysfonctionnements multiples», lance le ministre qui axe son intervention sur les problèmes de prise en charge des malades insuffisants rénaux, jugeant que les mécanismes de dialyse sont très peu maîtrisés. Et pourtant, «les malades insuffisants rénaux sont en augmentation». Une question taraude l'esprit du spécialiste de la santé et du politique : «Pourquoi est-ce que ça bloque en matière de transplantation rénale ? Qu'est-ce qui ne va pas dans nos hôpitaux pour que ça ne marche pas ?» interroge l'ancien ministre qui rappelle que la première transplantation rénale à partir d'un donneur vivant a été faite en 1987. Celle à partir d'un donneur cadavérique en 2002. Depuis, «malgré quelques améliorations, la situation est presque la même qu'il y a 20 ans. Il n'y a eu que 6 transplantations à partir de donneurs cadavériques». Le Pr Aberkane s'adresse aux députés et leur demande de faire un véritable travail d'investigation pour se renseigner sur les raisons du blocage du moment que les moyens matériels et humains existent et qu'il n'y a plus de problèmes du côté religieux et juridique. Une demande appuyée par Mustapha Boukheloua, président de la Fédération nationale des insuffisants rénaux (FNIR), qui appelle à la mise en place de textes de loi à même d'assurer le traitement et la protection des malades. Son camarade du bureau fédéral de la fédération, Mohamed Boukhors, appelle carrément à le mise en place d'une commission d'enquête mixte «de haut niveau» pour lever le voile sur «les pratiques illégales et honteuses» qui gagnent le monde de l'hémodialyse : «Nous demandons aux députés de mettre un terme à cette situation d'anarchie et de désolation.» Et le Pr Aberkane de poursuivre son intervention en insistant sur l'absence d'un système d'information sanitaire en Algérie : «Nous n'avons pas de système d'information sanitaire en Algérie. L'information sanitaire circule très mal… Nous avons besoin de fichiers nationaux, de registres où l'on peut accéder à toutes les informations qui devraient nous permettre d'assurer la meilleure prise en charge possible d'un malade insuffisant rénal.» Le médecin spécialiste est encore plus inquiet en ce qui concerne les enfants : «Ce sont des maladies évitables. Ce que subissent nos enfants est intolérable. C'est une honte ! un scandale!» Le Pr Si Ahmed El Mehdi, chef du service de chirurgie interne et de greffe au CHU de Blida, rappelle que l'Algérie compte plus de 13 000 hémodialysés au niveau national, dont une centaine d'enfants. Les centres de dialyse sont d'environ 300 au niveau des différentes wilayas du pays. Chaque année, il est enregistré un nombre minimum de 3 500 nouveaux cas d'insuffisance rénale chronique. «Si l'on continue ainsi, on aura 60 000 cas IRC en 2020. Le budget de la santé risque de ne pas suffire pour prendre en charge les personnes malades.» Les besoins de transplantation sont de 1 000 par an, poursuit l'intervenant. «La seule possibilité d'y faire face, c'est de promouvoir le don d'organes à partir de cadavres», soutient le Pr El Mehdi, non sans insister sur la mise en place d'un plan greffe. Un plan greffe qu'il «n'invente pas» puisqu'il existe déjà de par le monde et qui se base principalement sur le recensement des morts encéphaliques et le renforcement des moyens consacrés aux prélèvements.