Nick Clegg, leader des libéraux-démocrates, a créé la surprise en renvoyant dos à dos ses adversaires travailliste, Gordon Brown et conservateur, David Cameron. Les chefs des trois grands partis britanniques ont croisé le fer jeudi soir lors du premier débat télévisé jamais organisé au Royaume-Uni, au cours duquel aucun n'a délivré de coup fatal, mais qui a permis au libéral-démocrate Nick Clegg de sortir vainqueur selon les sondages. Devancé par les conservateurs pour les législatives du 6 mai dans les intentions de vote, le Premier ministre travailliste Gordon Brown a misé sur son expérience et sa maîtrise des questions économiques. «Je sais en quoi consiste ce boulot», a-t-il d'emblée lancé. Favori du débat, eu égard à sa maîtrise de l'outil audiovisuel, le conservateur David Cameron a essayé de se poser en alternative crédible. Mais c'est le méconnu Nick Clegg, chef du troisième parti britannique, qui a le plus profité d'une exposition médiatique inhabituelle pour lui, en renvoyant constamment ses deux adversaires dos-à-dos. Les premiers sondages l'ont désigné net vainqueur de cette joute électorale. Placés côte à côte sur le plateau de la chaîne ITV, face à une audience leur posant des questions, M.Brown a promis la «prospérité pour tous», M.Cameron le «changement» et M.Clegg «l'équité». Après un début tendu, le débat s'est rapidement animé, chaque candidat n'hésitant pas à interpeller l'autre directement, voire à lui couper la parole, contrairement aux 76 règles strictes laborieusement établies entre les trois partis. D'ordinaire mal à l'aise devant les caméras, M.Brown est apparu plutôt décontracté. Souriant, il a adressé quelques piques à M.Cameron, assez crispé, lui qui cherche à ramener les Tories au pouvoir pour la première depuis 1997. Répondant directement aux membres du public leur posant une question, les trois candidats ont défendu bec et ongles leurs programmes sur l'immigration, la criminalité, l'éducation, la santé ou la réforme du système politique. M.Cameron a reproché à ses adversaires de vouloir effrayer les électeurs au sujet des tories et a appelé ceux-ci à «choisir l'espoir plutôt que la peur». Prenant ses distances avec les «vieux partis», Nick Clegg a sans cesse cherché à se présenter en garant d'une approche «différente». Il s'est gardé de répondre aux appels du pied de M.Brown, qui s'est plusieurs fois dit «d'accord avec Nick», alors que l'éventualité d'un gouvernement de coalition Labour/LibDem n'est pas exclue dans le cas d'un Parlement sans majorité absolue. Dans un sondage mené par la chaîne ITV auprès de 4 032 personnes dès la fin du débat, Nick Clegg était donné vainqueur par 43% des téléspectateurs, contre 26% à David Cameron et 20% à Gordon Brown. Deux autres sondages l'ont aussi donné victorieux pour 51% et 61% des personnes interrogées. L'ancien conseiller en communication de Tony Blair, Alastair Campbell, qui avait aidé M.Brown à s'exercer pour le débat, a estimé que M.Cameron n'avait «pas été aussi bon que je l'avais vu par le passé». Pour le ministre du Commerce Peter Mandelson, le débat «a ouvert un peu plus l'élection». La presse n'a pas manqué de souligner la performance de M.Clegg. Il «avait une grande opportunité de se faire connaître de millions d'électeurs qui le connaissaient à peine et il l'a fait avec enthousiasme», a estimé dans son blog Nick Robinson, le commentateur politique de la BBC. Benedict Brogan, rédacteur en chef adjoint du quotidien conservateur The Daily Telegraph, a reconnu que M.Cameron n'avait «pas produit la performance qui fera la nation se claquer les doigts et dire: ‘‘Bien sûr, c'est lui''», et que M.Brown avait «fait mieux» qu'attendu.